Barcelone, tout sur le nouveau Musée de l’Art Interdit

Du monumental escalier jusqu’aux voûtes ouvragées des deux niveaux d’exposition, en passant par les vitraux et plafonniers modernistes, le travail de l’architecte Enric Sagnier – coqueluche de la haute-bourgeoisie catalane au début du siècle passé – est sensationnel. La Casa Garriga Nogués, demeure à Barcelone du banquier qui en commanda la construction, fut tour à tour résidence privée, école religieuse, centre de recherche encyclopédique avant de devenir un lieu d’exposition artistique pour plusieurs fondations renommées. Il faut dire que le quartier – vous êtes ici au cœur de l’Eixample, à deux rues de la Plaça Catalunya, la frontière haute des fameuses Ramblas – a toujours été un creuset des arts et du commerce.

Depuis son ouverture il y a un mois et demi, le Musée barcelonais de l’Art Interdit est plein tous les week-ends ! Son enseigne provocante intrigue. Elle attire aussi bien les mordus d’art contemporain que les néophytes ou les rebelles curieux. D’emblée, la commissaire d’exposition renverse les perspectives : “Ce musée ne devrait pas exister. On aurait aussi bien pu le nommer Musée de la Tolérance !” C’est que les 200 pièces d’art amassées au cours des cinq dernières années par le journaliste et homme d’affaire espagnol Tatxo Benet (42 sont exposées) ont un point commun : en plus d’une certaine charge polémique, elles ont toute été censurées, vandalisées ou interdites.

© Ines Doujak

Toutes ont eu (et/ou continuent d’avoir) un impact social réel. Toutes ont une histoire. La majorité des œuvres – peintures, sculptures, photographies, installations et art numérique – ont été produites entre la seconde moitié du XXe et le début du XXIe siècle par des artistes aux noms familiers : Picasso et Warhol mais aussi Goya ou Klimt. Un musée poil-à-gratter qui interroge, bouscule, gêne parfois. Il met en question la persistance, voire même la résurgence de nouvelles formes de censure et d’autocensure dans l’art, et donc dans la société. Car si l’art est beau, il est aussi politique. Il est le lieu de la liberté, celui où les lignes peuvent et doivent bouger.

Parmi les œuvres les plus iconiques, le Piss Christ d’Andres Serrano (1987) tient le haut du pavé : cette photographie représentant une scène de la crucifixion et dont l’épreuve a longuement été baignée dans l’urine de l’artiste a été attaquée et interdite dans plusieurs villes d’Europe. La notion de blasphème est aussi questionnée par l’une des pièces-maîtresses du musée, Silence Rouge et Bleu, qui est une accumulation de tapis de prière musulmans sur lesquels l’artiste franco-algérienne Zoulikha Bouabdellah a déposé des paires de chaussures à talons scintillantes. Une installation retirée d’une exposition à Clichy-la-Garenne en 2015 suite à des plaintes d’associations musulmanes.

Les clichés homoérotiques tendance sadomasochiste de Robert Mapplethorpe continuent eux aussi, depuis 50 ans, de créer la polémique. Naturellement, l’artiste dissident chinois Ai Weiwei a toute sa place au Musée de l’Art Interdit, tout comme la série de dessins réalisés par des prisonniers de Guantánamo, censurés par le département d’État américain. Ou encore le portrait nu et peu flatteur de Donald Trump réalisé par l’artiste Illma Gore, qui lui à coûté procès, rejets des galeries et violences physiques par des partisans de l’ancien président… Le Saddam Hussein taille humaine ligoté et plongé dans un aquarium ainsi que le Franco en costume militaire cadenassé dans un frigidaire font leur effet également. Bref, une visite qui interroge intimement notre rapport aux normes mais aussi à la liberté d’expression et à la tolérance. Audioguide en français.

Poursuivre le voyage dans le quartier

Le Passeig de Gràcia est l’artère qui concentre le plus de boutiques de luxe, de tables gastronomiques et d’hôtels 5 étoiles de la ville. Vous n’aurez ici aucun mal à vous offrir un royal gueuleton : Lasarte, Angle ou Moments collectionnent les étoiles Michelin tandis que le Soma ou le Ciutat Comtal sont des cantines plus abordables mais non moins roboratives. Pour vous loger, l’Almanac est une option de choix (90 chambres coquettes, roof-top bar végétalisé et table gastro-healthy), tout comme les appartements Aspasios, sobres et centraux

Petit conseil pour la nuit : pensez à faire un tour par le SIPS, tout fraîchement déclaré meilleur bar à cocktails au monde par le prestigieux classement Best 50 !

Signalons la librairie polyglotte Finestres et son annexe spécialisée en beaux livres, juste en face du musée de l’art interdit qui est à visiter absolument à Barcelone.

Carnet d’adresses

Museu de l’Art Prohibit
C/ de la Diputació, 250
museuartprohibit.org
Ouvert tous les jours de 10h à 20h. 14 € (12 € en ligne).

Restaurants :
Lasarte – 3 étoiles . C/ de Mallorca, 259
Angle – 2 étoiles . Cram Hotel.  C/ d’Aragó, 214.
Moments – 2 étoiles. Mandarin Oriental. Pg. de Gràcia, 38,
Soma  C/ de Provença, 179
Ciutat Comtal Rambla de Catalunya, 18

Hôtels :
Almanac  Gran Via de les Corts Catalanes
Aspasios – Paseo de Gracia Bas Apartments  C/ de la Diputació, 268

Bars :
SIPS C/ de Muntaner, 108

Librairie :
Librería Finestres C/ de Muntaner, 108