Rencontre avec Michel Kayser, pionnier de la gastronomie durable

Gastronomie

11JUIL. 2024

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Rencontre avec Michel Kayser, pionnier de la gastronomie durable

11 JUILLET . 2024

Écrit par Stephane Durand

Le chef doublement étoilé fête les 40 ans d’Alexandre, son restaurant gardois. Rencontre avec celui qui a donné ses lettres de noblesse à la cuisine responsable.

 

« J’ai toujours écouté tout le monde, et je fais avec sincérité ma cuisine, comme je la sens » nous confie Michel Kayser, à l’aube des célébrations du quarantième anniversaire de son restaurant Alexandre. Avec son épouse Monique, qu’il surnomme affectueusement « la petite », le chef décide en 1984 de prendre les rênes de cet établissement situé à quelques minutes de Nîmes, à l’entrée du village de Garons.

Charmé par la nature environnante et le décor bucolique de la propriété, le couple s’y installe, à l’époque, avec leur enfant âgée de dix mois :  » Nous avons la chance de vivre dans une région magnifique, on y trouve des châtaignes AOC, des fromages Pélardon de qualité, des pommes, des oignons des Cévennes, le Grau-du-Roi nous fournit les meilleurs poissons provenant de petits pêcheurs, Port Saint-Louis propose des coquillages de qualité admirable, c’est fantastique. »

On ne change pas une équipe qui gagne, et les convives sont, encore aujourd’hui, accueillis par Monique, tandis que le chef s’affaire en cuisine, préparant avec conviction (et amour) un menu dans lequel les émotions se déclinent au rythme des plats, de l’éloge sur le radis rose en guise de préambule aux fraises de Provence accompagnées de sauge qui concluent ce repas.

 » Tout est source d’inspiration, y compris l’observation de la nature. Quand une pomme tombe de son arbre et atterri dans un fossé dans lequel pousse du fenouil, cela donne l’idée d’assembler les deux. J’ai créé cette entrée autour du radis en étant inspiré d’un trajet en voiture avec ma femme. Nous passions près des montagnes de sel et je voyais l’eau qui stagnait tout autour, d’une couleur rosée, cela m’a donné l’envie d’élaborer cette recette mettant en scène le radis rose. »

 

Trait d’union 

Le chef d’orchestre sait mettre en valeur ses artistes, comme les crevettes de Méditerranée s’unissant à l’huile d’amandes ou les oursins de Galice en chœur avec le topinambour et la bergamote.

Un menu qui évolue au fil des saisons, des arrivages, et de l’inspiration de celui qui, en 40 ans, a créé des plats signatures aussi élégants que déroutants, à l’instar de l’asperge à la fleur de sureau ou de l’iconique île flottante à la truffe de Provence et son velouté de cèpes des Cévennes :  » J’ai appris à cuisiner en 1969, à une époque où le sous-vide et le congélateur n’existaient pas, nous devions travailler les produits du marché qui étaient alimentés par les maraîchers et producteurs du coin. J’ai toujours aimé cet esprit de circuit court. Je n’ai pas attendu qu’on nous dise d’installer des composts pour en avoir un chez moi. Je suis toutefois heureux de voir que les gens se responsabilisent sur ce sujet. »

Optimiste par nature, le chef, qui aura bientôt 70 printemps, décide de voir le verre à moitié plein, et imagine un monde dans lequel la nature saura enfin être respectée :  » La nouvelle génération fait preuve d’une réelle prise de conscience, les produits qu’on trouve aujourd’hui sont de meilleures qualités que ceux que l’on trouvait dans les années 80, avec beaucoup moins de pesticides. Je pense que d’ici 15 ans, si un vigneron ne fait toujours pas de bio, il ne vendra plus de vin. »

 

Humain après tout

Loin du cliché du chef menant sa brigade telle une armée, Michel Kayser prône l’écoute, le bien être du personnel et la confiance envers le client. Serait-ce la recette à suivre afin d’expliquer la longévité de son établissement ? :  « Je fais confiance au palais du client. J’ose mettre la saucière sur la table, car parfois la sauce manque d’élégance lorsque l’on présente un plat.

©AurélioRodriguez

Je sauce donc très peu mes assiettes et je laisse la liberté au client d’user et d’abuser de la saucière mise à sa disposition. Certains décident de la vider, d’autres ne prennent que la moitié, mais j’aime le fait que je leur porte cette attention. La considération est, pour moi, un mot très important, que ce soit pour nos clients, notre équipe, notre personnel et bien entendu nos produits. »

Une considération dont il espère secrètement récolter pleinement les fruits durant les prochaines années : « Je ne me suis jamais réveillé le matin en me disant que je voulais trois étoiles, mais je pense qu’on peut encore progresser, mon équipe est solide et nous avons le temps de créer et de nous faire plaisir. Si la troisième étoile pouvait arriver, ce serait génial. » Il parait qu’il est de bon augure de faire un vœu avant de souffler ses bougies.

 

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