Culture
Rencontre avec Lucy Ford Keohane la créatrice des bijoux Demi Sel
28 AOûT . 2024
Et si l’on profitait des beaux jours pour redécouvrir des personnalités inspirantes, prendre le temps de se plonger dans leur univers et découvrir tout ce qui se cache derrière leur création ? On a rencontré pour vous celles et ceux qui chérissent le beau, le bon et l’exigeant, contribuant dans leur quotidien à rendre notre monde plus doux, plus riche, plus stimulant…
Dans le paysage de la bijouterie fantaisie française, se cache une pépite qui gagnera à être connue et qui s’expose actuellement dans différents lieux d’art parisiens : Demi Sel Jewelry, un nom à consonance franco-américaine qui donne le ton de cette jeune marque à l’univers créatif qui nous fait succomber ! On vous en dit plus sur ces bijoux on ne peut plus glamour et sur la créatrice qui se cache derrière et qui nous inspire terriblement !
C’est certainement parce qu’elle vient de l’univers des arts décoratifs que Lucy a cette vision très sculpturale des bijoux. Des bijoux qui opèrent comme de véritables parures ou ornements tant leur puissance décorative est forte.
L’idée est simple et part d’une forme de ready-made, expression définie par André Breton comme « Objet usuel promu à la dignité d’objet d’art par le simple choix de l’artiste ». Une démarche spontanée qui doit plus à la découverte presque accidentelle de la beauté de la nature qu’à un projet particulièrement calculé. Car c’est un peu par hasard que la jeune créatrice s’est penchée sur cette échelle pour créer de petits objets d’art du quotidien, véritables sculptures miniatures à porter. Diplômée du Hamilton College en Histoire de l’Art, elle vient à Paris pour compléter son cursus et se forme chez Patrick Seguin, le fameux galeriste spécialisé dans l’œuvre de Jean Prouvé et plus généralement dans le mobilier d’architectes.
C’est là que son œil se fait, se muscle « j’ai appris ce qu’étaient les matières nobles, mais aussi comment regarder les objets, apprécier la beauté d’une patine » … et c’est à la faveur d’un week-end à Trouville, que l’histoire de la marque se dessine. Elle est avec quelques amis au marché aux poissons, une bouteille de vin à la main, un panier dans l’autre et ils font une halte tous dans la grande halle pour y déguster des huîtres. Au-delà de tout ce que cette scène comporte de clichés d’art de vivre à la française et de folklore digne d’un film de Rohmer dont la jeune américaine raffole, cet instant de vie cristallise un épisode clef dans son parcours créatif. Là où d’aucuns profitent de ce moment de fraîche gastronomie de bord de mer, elle tombe en pâmoison devant la beauté de la coquille d’huître dont elle trouve la patine, la forme accidentée et les courbes parfaites. Qu’à cela ne tienne, elle embarque le coquillage dans son sac et une fois arrivée de retour à Paris le nettoie, puis décide de le bomber à l’or pour le transformer en bijou.
Ce n’est que deux ans plus tard, alors qu’elle se rend à une soirée sur le thème marin qu’elle décide d’arborer cette création. L’histoire est prévisible : ses amies tombent sous le charme de ces bijoux à la fois simples et audacieux et les commandes pleuvent, faisant de la jeune femme une apprentie bijoutière. Puis le Covid arrive et la ramène à New-York où elle travaille un temps pour The Row, la marque créée par les sœurs Olsen (actrices de nombreux films et séries des années 1990’s). Après ce court bain dans la mode et ses tribulations, elle retourne à ses premières amours et intègre le département Design de la grande maison de ventes anglo-saxonne Sotheby’s, toujours dans la grande pomme.
Et c’est une autre pomme qui l’inspirera avec le travail de la sculptrice Claude Lalanne qu’elle aura l’occasion de présenter lors d’une vente aux enchères, se plongeant dans un univers « totalement inspiré par la nature et fourmillant de subtils détails ».
On est en 2021 et elle décide de faire appel à des artisans pour l’aider à fabriquer ses bijoux. L’idée demeure la même : laisser la beauté de la Nature s’exprimer à l’état pur. Ses colliers, bracelets et boucles d’oreilles s’ornent alors de volutes ou vagues, et s’habillent d’or jaune dont la puissance solaire vient mettre en lumière les formes parfaites du répertoire marin.
Nulle fioriture mais un motif précis et simple, délicatement rehaussé par la brillance de l’or.
Car de simplicité il s’agit, la créatrice imagine volontiers ses collections portées sur une simple robe en soie le soir ou avec une chemise blanche et un jean, et un panier au bras forcément.
Sensible à une allure plus qu’à une mode en particulier, Lucy convoque des références éternelles. Et c’est là que réside tout son charme. Car l’histoire de cette marque est avant tout celle d’une américaine à Paris (où elle est revenue diriger la galerie de design contemporain de Theoreme Editions) qui aurait plongé tête première dans la Nouvelle Vague, et qui aurait fait vœu d’adhésion à tout ce que la société française de la seconde moitié du XXème siècle a produit de meilleur en matière d’arts, de cinéma, et de style.
Demi Sel Jewelry – cette marque baptisée en hommage à l’un des plus hauts symboles gastronomiques nationaux (après la baguette et le verre de rouge) incarne tout cela et même plus, elle sonne comme le mariage de deux cultures : celle de la France et ses icônes absolues (avec en tête Jane Birkin, François Hardy mais aussi la Jean Seberg d’A bout de souffle de Godard ou de bonjour tristesse de Preminger) et de l’Amérique et ses figures légendaires au nombre desquelles les cygnes de la 5eme avenue, les sœurs Jacqueline Kennedy Onassis et Lee Radziwill ou encore plus récemment Caroline Bessette.
En caressant du regard ces collections, on en vient à penser aussi aux derniers jours du Disco de Whit Stillman, ce roman illustré par Pierre le Tan (autre grande référence chère à la créatrice), et à cette époque où la frivolité était un véritable Way of Life …
Et l’on se verrait volontiers replonger en ces temps de légèreté en arborant ces bijoux comme de véritables parures pour traverser l’été et ses longues soirées …
Ses adresses favorites
Un Hôtel
Le Carlyle
C’est incontestablement mon hôtel préféré parce que mes grands-parents, qui étaient de Chicago, y descendaient systématiquement quand ils venaient à New York. Ma grand-mère, très élégante, y avait ses repères et il lui arrivait même de sympathiser avec le pianiste, lui laissant croire qu’ils se connaissaient bien sans que cela soit vrai pour autant mais son aplomb en déconcertait plus d’un…
Une anecdote qui amuse encore beaucoup dans ma famille. Il faut aller prendre un thé dans le salon conçu par Renzo Mongiardino mais aussi le soir, simplement pour prendre un Martini au bar de l’hôtel, le Bemelmans, so chic !
35 E 76th St, New York
Un restaurant
Fanelli Café
Même si je suis amoureuse de Paris, ce sont des adresses new-yorkaises qui me définissent vraiment. Fanelli, c’est un pub qui existe depuis 1847, probablement le plus vieux de New York. Je l’ai tellement fréquenté que je connais tous les serveurs là-bas, on y va à toute heure : le vendredi soir pour prendre un verre, le samedi pour déjeuner. On peut même rester debout au comptoir, l’ambiance est super. J’y emmène d’ailleurs tous mes amis de passage à New York.
94 Prince St, New York, NY 10012
Un Artisan
Je dirais le mien, j’adore l’idée de travailler avec un artisan basé à Paris parce que j’aime connaître la personne qui fabrique mes bijoux et également pouvoir m’assurer que leur réalisation est bien faite. Je vais à son atelier d’un coup de vélo, dès que je le peux. La dimension fait main me passionne, il travaille avec des moules à la cire perdue, vraiment à l’ancienne et j’adore notre relation.
Un Musée
Je dirais le Peggy Guggenheim à Venise,
Comme elle connaissait tous les artistes, elle a des pièces très tôt dans leur carrière et leur production par exemple tu vois des pièces de Jackson Pollock avant qu’il ne devienne Jackson Pollock et notamment une œuvre où il prenait des tubes qu’il écrasait pour faire sortir la peinture d’une autre façon …
Ce que j’adore avec ce musée c’est aussi que tu rentres dans son intimité à elle, un sacré personnage et puis Venise qui est tellement romantique …
Et sinon le Met à New York.
Avec la collection des bijoux étrusques qui m’inspirent beaucoup pour Demi Sel, et les impressionnistes aussi …
Avec mon cousin on y allait une fois par mois, c’était le truc, tu vas au Met puis tu prends un thé au Carlyle …
Un Métier de bouche
Fresh à Nantucket, vraiment l’un de mes spots préférés
C’est un endroit qui se trouve sur l’île où je pars en famille depuis que je suis toute petite et pour moi ce sont les meilleurs sandwichs au monde.
Ils m’évoquent tout un monde de vacances et de souvenirs en famille, l’endroit on ne peut plus américain où on se retrouve tous sur la plage avec nos sandwichs et nos potatoes chips …
D’ailleurs j’y retourne cet été et j’ai hâte d’y retrouver tout le monde