Dans les coulisses de l’exposition disco à La Philharmonie de Paris, rencontre avec Patrick Thévenin

Culture

19MARS. 2025

newsletter

Culture

Dans les coulisses de l’exposition disco à La Philharmonie de Paris, rencontre avec Patrick Thévenin

19 MARS . 2025

Écrit par Alfred Reed

Le phénomène musical disco a contribué au succès du clubbing et des DJ, tout en exposant l’immense talent des musiciennes et musiciens afro-américain au grand public. Cette musique populaire dans les années 70 s’est transformée en une révolution des mœurs, tout comme un moment d’émancipation et de fierté pour la communauté LGBT. Patrick Thévenin, un des commissaires de l’exposition Disco I'm coming out à la Philharmonie, revient en exclusivité pour Les Hardis sur cette époque cruciale.

© ArnaudBaumann, Bustier Issey Miyake Le Palace

© ArnaudBaumann, Bustier Issey Miyake Le Palace

Les Hardis : Bonjour Patrick, comment raconter le phénomène de la musique disco et tirer les fils autour de ce mouvement ?

Patrick Thévenin, commissaire d’exposition : L’idée était de vraiment revenir aux sources, d’expliquer que cette musique est née dans les clubs, elle fut même à l’origine de leur naissance ! Il fallait aussi déterminer à quel point le disco était lié à la communauté LGBT et à son émancipation. C’est une période courte, donc on ne voulait pas travailler sur une simple chronologie musicale, car le sujet est plus large avec des retentissements sur la société, la manière de s’habiller et d’envisager la nuit comme un échappatoire. Au fur et à mesure, on a creusé et c’est devenu : Disco, I’m coming out !

 

Cet intitulé de l’exposition a plusieurs significations n’est-ce pas ?

I’m coming out est une chanson de Diana Ross, produite par Chic, et le coming out de la chanson, ce n’est pas uniquement un coming out lesbien classique. C’est aussi celui d’une femme noire qui affirme sa puissance et sa féminité. Ces différentes entrées possibles nous ont semblé particulièrement intéressantes pour notre sujet disco à la Philharmonie.

© Collection Gilles Pétard, Diana Ross

© Collection Gilles Pétard, Diana Ross

 

Il y a un côté féministe dans cette musique ?

C’est surtout l’explosion de la beauté féminine noire, de la puissance des femmes noires. Les femmes africaines-américaines ont vu dans le moment disco des femmes qui avaient le pouvoir et qui combattaient le racisme. De plus, pour certaines chanteuses, le disco a été la source d’énormément d’argent, car elles tournaient beaucoup en club. Le phénomène musical a aussi été un grand moment d’émancipation pour elles, d’empowerment. Cela demeure toutefois assez compliqué parce qu’il y a cette hypersexualisation de la femme pour vendre des disques, mais ce n’est pas le disco qui a inventé cela. Au travers des pochettes exposées, même si elles sont sexualisées, on découvre certains critères de la beauté noire qui correspondent aussi au mouvement African beauty, Black is beautiful.

© Collection Gilles Pétard, Donna Summer

© Collection Gilles Pétard, Donna Summer

 

Revenons au dancefloor, le musicien Patrick Vidal, qui a enregistré un album disco à New-York à cette époque et dont la veste de concert créée par JC Castelbajac est exposée à la Philharmonie, explique que la révolution disco s’est exprimée au moment où le show, qui était traditionnellement sur la scène de concert avec un groupe de musique, s’est déplacé sur le dancefloor. Ce sont les danseuses et danseurs qui sont devenus le spectacle !

Oui surtout que la notion de dancefloor (piste de danse) n’existait pas à l’époque. Le disco c’est à la fois la naissance des clubs, du dancefloor et du DJ tel qu’on l’entend aujourd’hui. Avant c’était des Jukebox, les gens mettaient un morceau, dansaient, et une fois terminé, ils repartaient à leur place. Pour les apprentis DJ, l’idée était de créer une bande son immersive, de raconter une histoire, afin de plonger les gens dans une ambiance musicale et les amener ailleurs. La culture du mix, des disques qui s’enchaînent, c’est le disco qui l’a inventé. En plus de cela, tous les concepts très forts actuellement de l’intersectionnalité, le gender, la communauté comme refuge, le pouvoir des minorités, sont nés avec le phénomène disco. Tout comme le très puissant principe de la safe place qui, avec le club, la nuit, devient un lieu d’émancipation. Ces principes nés avec le disco sont tous dans la société et la musique actuelle. Même le selfie puisqu’on parle aussi d’ego disco. Pour moi, c’est très important de mettre de l’économie, du social et du politique dans ce mouvement musical. 

© Arnaud Baumann, Piste Danse Le Palace

© Arnaud Baumann, Piste Danse Le Palace

 

Avec une playlist pour cette exposition tout à fait démente !

Alors tout de suite j’ai pensé à Dimitri from Paris qui a dit oui tout de suite. Il y a eu un travail entre Jean-Yves Leloup et moi pour poser des titres qui nous semblaient importants, mais il a eu carte blanche. Dimitri voulait beaucoup creuser, il a fait un énorme travail, les morceaux sont édités, coupés parce que tu ne peux pas mettre des versions de 8 ou 10 min dans une expo. Jusqu’au dernier jour, il est venu sur place, à la Philharmonie, pour couper encore des morceaux

 

Qu’est ce qui t’a particulièrement touché et surpris pendant l’élaboration de cette exposition ? 

J’ai découvert l’insouciance et la beauté de cette époque, notamment au travers des photos de Meryl Meisler. Elle est professeur de photographie à la retraite et a photographié les premiers clubs de New York ! C’est ce qui m’a le plus marqué : la beauté des gens qui émane de ces photos, ils sont lumineux, solaires en fait. Même s’ils ne sont pas dans les critères de beauté qu’on connaît, les gens sont tous beaux, sourient, sont heureux. Il y a vraiment une libération, au moment disco, capturée sur ces photos alors que la période est quand même très dure économiquement et socialement.

© Meryl Meisler, Infinity-disco, 1978

© Meryl Meisler, Infinity-disco, 1978

 

Il a été aussi important de montrer le chanteur Sylvester avec Divine -égérie de John Waters-. Sylvester est vraiment considéré comme l’apothéose glamour du disco et Divine, vue comme une artiste plus vulgaire, mais en fait ils ont commencé ensemble dans une troupe de théâtre travesti qui s’appelle The Cockettes à San Francisco ! (Au début des années 1970 c’était une troupe de théâtre extravagante, spécialisée dans les spectacles de drag queens. C’est au sein de ce groupe que Sylvester a commencé à se faire un nom dans la communauté gay de San Francisco.)

 

Comment les Français se sont introduits dans l’univers disco ? 

Le duo Jacques Morali et Henri Belolo vont d’abord créer le groupe Ritchie Family. Je pense que pour tous ces gens-là, la découverte du studio 54 fut un choc. Ils n’avaient jamais vu ça en termes d’audace, d’architecture, voire même de décadence. Et ils vont créer de toutes pièces les Village People puis après faire des chansons pour Patrick Juvet, Dalida… Le succès du disco est tellement énorme, la musique tellement populaire, que tout rapporte de l’argent et plein de gens vont s’y essayer. Il y a effectivement les Français qui sont en premier, en Allemagne il y a Boney M et quasiment tous les producteurs américains embarquent dans le train du Disco. C’est aussi ce qui va précipiter sa perte, avec certaines personnes qui en ont ras le bol et vont lancer la disco demolition night (la nuit de destruction du disco fut une soirée très réactionnaire durant laquelle des milliers de disques vont être cassés et brûlés). La Hi-NRG représente un peu la version finale du disco, avec ce son beaucoup plus rapide et énergique qu’on entendait principalement à la discothèque le Saint. (Surnommé le Vatican du disco dans le catalogue de l’exposition, cette discothèque fut aussi le symbole de l’hécatombe mondiale du sida à venir.)

 

Quel est l’héritage du disco, à part la nostalgie de cette beauté festive et libre ? 

Tout l’écosystème de la culture club vient du disco. On ne pouvait pas imaginer à l’époque qu’un DJ prendrait la place d’un artiste et serait le plus cher payé. Dans cette exposition, on tire ainsi des liens entre des choses qui sont rarement montrées dans l’industrie musicale. Il y a un corner sur les stars, les racines africaines américaines. Il y a un corner plus queer, un autre plus globalisation du disco, c’est-à-dire le Palace, le Studio 54… Il y a enfin un corner sur la perpétuation du disco, et aussi comment l’art s’en est emparé, ce que j’appelle la persistance rétinienne du disco avec des boules disco à facettes réalisées par des artistes actuels, car on ne voulait pas enterrer ce mouvement, cette période un peu enchantée…

Site Web

Exposition "DISCO, I’m coming out"

Exposition « DISCO, I’m coming out »

 

Découvrez la playlist idéale et commentée par le DJ et musicien, Patrick Vidal, à propos de cette époque musicale foisonnante et de cette exposition parisienne à ne pas rater à la Philharmonie. 

Odyssey : Native New Yorker. Un maxi 45 tours acheté à Christopher Street en 78. Ce morceau fut une découverte absolue, avec un des plus beaux textes sur New York. C’est un sommet du genre en termes d’écriture et d’arrangement.

D.C Larue : Dancing with Strangers. La poésie incarnée, des arrangements sublimes, quelque chose d’impalpable, les textes complètement éthérés, une révélation et ce titre qui résume les nuits passées sur le dancefloor.

Dan Hartman : Vertigo/Relight My Fire. Où comment passer d’une intro tribale, trippy à un morceau aussi joyeux, incroyablement fun et positif ? Avec l’immense Loleatta Holloway en duo avec Dan.

Diana Ross : No One Gets The Prize/The Boss. Le 12 inch de l’époque regroupe deux sublimes compositions et productions d’Ashford & Simpson. Le summum de perfection et d’élégance avec ce classic indétrônable : The Boss !

Donna Summer : Try Me I Know You Can Make It. Une face entière, comme un collage de musique contemporaine, minimaliste et totalement surproduit en même temps, véritable choc à l’époque pour moi.

Cheryl Lynn : Got To Be Real. Découvert en écoutant la radio Disco 92 à New York et au Studio 54 en live en 78. Ce morceau qui ne m’a jamais quitté était atypique avec cette intro de cuivres claquante, un groove imparable, la voix surpuissante de Cheryl Lynn. Je l’ai joué dans presque tous mes sets depuis mes débuts de DJ en 1982 aux Bains-Douches

Sylvester : Dance (Disco Heat). Mon premier disque de Sylvester. C’était la face A de You Make Me Feel en fait et ce morceau je l’ai adoré immédiatement avec son intro où il dit « il est fabuleux ce club, t’as pas une allumette ? » Même seul dans sa chambre, on est immédiatement plongé dans les plus grands clubs du monde sans y avoir mis un pied et ce final de breaks successifs tellement excitant.

Eddie Drennon : Disco Jam. Un ovni, basé sur une rythmique faites de percussions, un groove afro cubain implacable, des envolées de violons dramatiques, puissant. The Jam !

Musique : In The Bush. Ce disque a changé ma vie puisqu’on l’a reçu avant de partir à New York. C’était Bob Blank le producteur de ce disque qui allait nous produire. Le choc fut total : violons, choristes, quel son ! Marie et les garçons allait vraiment sonner comme cela?

Bionic Boogie : Fancy Dancer. Gregg Diamond, que dire entre son choix parfait de vocalistes Luther Vandross, Gwen Guthrie ses productions et compositions brutes et sophistiquées à la fois. J’ai appris par la suite qu’il avait été batteur de Jabriath ! C‘est comme une suite logique du glam rock à la disco.

Philharmonie de Paris
Cité de la Musique
221 avenue Jean Jaurès. Paris 19
Exposition Disco, I am Coming Out. Jusqu’au 17 août 2025.
Tous les jours sauf le lundi, fermeture le 1er mai. 

© Bill Bernstein PARADISE GARAGE

© Bill Bernstein PARADISE GARAGE

 

De passage dans la capital pour visiter l’exposition Disco I’m Coming Out à la Philarmonie? Découvrez les hôtels partenaires du Club Yonder et profitez d’avantages exclusifs.

Jusqu’à -25% avec le Club Yonder

Ajouter à mes favoris Supprimer de mes favoris
Les meilleurs spas de Londres, lequel choisir ?

Les meilleurs spas de Londres, lequel choisir ?

Ajouter à mes favoris Supprimer de mes favoris
Les spiritueux de stars, quand Beyoncé ou Kendall Jenner se mettent à la bouteille

Les spiritueux de stars, quand Beyoncé ou Kendall Jenner se mettent à la bouteille