Rencontre avec Mathias Kiss, l’artiste qui remue ciel et verre

Formé à la fin de son adolescence –turbulente- par les Compagnons auprès desquels il passera une dizaine d’années, d’abord à « nettoyer les pinceaux et pousser les échafaudages », puis à restaurer dorures, marbres et ciels des plus grands musées français, Mathias Kiss s’est depuis frayé un chemin singulier, loin des sages chantiers d’artisanat. S’il conserve de cet apprentissage une solide connaissance de la peinture et une extrême rigueur, il s’en écarte définitivement pour trouver un terrain d’expression plus proche de son imagination et de son énergie débordante.

Mathias Kiss, Hôtel Cayré © Camille Piel

Une volonté de s’émanciper de cet académisme qui se matérialisera avec la création d’un miroir, Sans 90 Degrés, issu d’un processus de froissage qui fait la part belle au hasard et balaie d’un revers de la main toute forme de contrainte. L’objet s’écarte de sa fonction pour offrir un reflet fragmenté de la réalité. Suivra rapidement une autre sculpture, Out of frame, figurant un cadre qui ouvre plutôt qu’il n’enferme et révèle par ses lignes fuyantes et ses volumes qui se superposent l’idée d’un autre monde possible. Avec ce geste radical, Mathias Kiss affirme son désir de transcender la réalité au profit d’une expression aussi éclectique qu’explosive. En 2013, il signe la Kiss Room, une chambre entièrement tapissée de miroirs, espace volontiers provocateur et assurément sensuel. Une pièce à louer pour 1000 nuits, qui se loge derrière le café de la Perle et qui le fera connaître du grand public qui découvre un artiste exalté et touchant. En 2016, c’est le Palais de Tokyo – Mecque de l’Art Contemporain en France-  qui lui ouvre ses portes : il y présente une installation sous forme de corniche dorée infinie pour Double Je, une exposition pensée comme le décor d’une scène de crime, par Jean de Loisy. Mathias Kiss a depuis trouvé sa voie et son public : aussi bien avec la commande privée (ou de la part de décorateurs) de grands plafond peints, ou qu’il se trouve exposé dans des galeries comme chez Armel Soyer, Alain Gutharc ou Ketabi Bourdet, ou qu’on vienne le chercher pour revisiter les arts décoratifs comme chez Christofle avec la ligne Perspectives composée de 5 pièces (chandeliers, vases) que l’on peut assembler.

Mathias Kiss, Christofle © Camille Piel

Une collaboration avec la maison d’orfèvrerie qui se poursuit à travers la réalisation du trophée du Championnat de France de football qu’il a dessiné, faisant suite à Andrée Putman et Pablo Reinoso !

Mathias Kiss, Trophée Ligue 1 © Camille Pie

Cette saison, il inaugure Watch you burn, une installation dystopique qui invite le spectateur à découvrir son œuvre par une expérience immersive aussi intéressante qu’inquiétante, et qu’il présente au sous-sol de son atelier-maison de cinq niveaux.

Mathias Kiss, exposition Watch You Burn © Thomas Lannes

Un espace qui conserve les différentes strates de son travail, des calques de motifs ornementaux aux esquisses de ciels de toutes ses époques (du plus fidèle à l’académisme à la version utra contemporaine pixellisée),  tissus faux marbre réalisés avec l’éditeur Pierre Frey, tapis issu de sa collaboration avec Robert Four en passant par un habillage de micro-miroirs dans sa salle d’eau …

Un espace pensé comme un atelier-musée à vivre qui, avec sa hauteur impressionnante nous donnerait volontiers l’illusion que Mathias Kiss pourrait toucher le ciel du bois des doigts !

Atelier Mathias Kiss © Camille Piel

« Le royaume des cieux se prend par force
de chaude amour et de vive espérance,
qui vainc d’emblée la volonté divine. »

Divina Commedia, Il Paradiso, XX, Dante Alighieri  (1265- 1321)

Watch you burn
Exposition jusqu’au 13 juin 2025
Atelier  151 avenue Jean-Jaurès 75019 Paris