Gastronomie
Les meilleures tables étoilées de Londres
23 FéVRIER . 2024
Pour fêter la sortie du Guide Michelin 2024 dédié à la capitale britannique, on dévoile notre palmarès des tables étoilées de Londres les plus populaires du moment.
De Shakespeare à Da Terra**
Double étoilé depuis 2021, on réserve une table à Da Terra comme on réserve une place de théâtre: au-delà du synopsis, il s’agit avant tout de faire confiance à la troupe. Au restaurant de Bethnal Green, le menu unique, révélé le jour J, est imaginé chaque saison par le chef Rafael Cagali (Fat Duck, Fera at Claridge’s). Brésilien de naissance, Rafael parle également espagnol et apprend le français. Sa cuisine est empreinte de cette soif de culture, qui mêle une profonde connaissance de folklores traditionnels et la candeur de ceux qui découvrent des récits millénaires pour la première fois.
Organisé en six actes plus des amuse-bouches et des petits fours, le menu est orchestré comme une performance artistique dont ont est à la fois spectateur et acteur principal. Lors d’un dîner à deux, les chaises sont subtilement tournées vers la cuisine, d’où Rafael dirige les équipes dans le calme absolu. Sommes-nous en salle en ou en coulisse ?
Une fois les plats dressés, des serveurs rodés aux techniques traditionnelles du service à la française posent les mets, synchrones, sous nos yeux ébahis. L’attention se déplace alors sur la nappe blanche impeccable, dans une mise-en-scène minimaliste sublimée par les arts de la table.
Une salière en cristal se transforme en réceptacle pour une délicate soupe de crevettes carabineros. Plus tard, un couteau finement ciselé, posé sur un petit cochon, annonce le porc aux morilles accompagné d’endives et de chou noir. La vaisselle, poétique et raffinée, est glanée au fil de voyages autour du monde, ou créée spécialement pour le restaurant.
Clou du spectacle, le tableau pré-dessert “Romeo & Juliette” est travaillé comme un bas-relief de dentelle ajourée, sculptée à partir de restes de levain. Derrière le grillage feuillu, le fromage et son coulis de goyave dévoilent des saveurs fortes et douces à la fois.
Après un instant d’hésitation, on détruit l’œuvre avec le dos de la cuillère, dans un moment cathartique digne du drame de Shakespeare. En guise de note sucrée, l’ananas travaillé avec de la noix de coco apporte une touche de fraîcheur visuelle et gustative inattendue. Vivement la prochaine représentation !
8 Patriot Square, London E2 9NF
daterra.co.uk
Cycene*, le goût du voyage
Pour James and Christie Brown, la haute cuisine est un voyage initiatique qui se joue autant dans l’assiette qu’à travers l’architecture et le design des lieux. Pour partir à l’aventure, le couple a fait appel au talentueux chef Theo Clench (Akoko, Portland).
On démarre les festivités accoudé au bar, le long de l’immense table communale en bois qui file le long d’une pièce marquée par le brutalisme. La corbeille de pain fait son entrée, accompagnée de plusieurs beurres, dont une préparation aux champignons shiitake et un beurre aux algues. A ses côtés, un bol de bouillon réchauffe le corps et le cœur les soirs de grand froid.
Après une série d’amuse-bouches, on file dans les étages. Premier arrêt en cuisine. C’est l’occasion d’échanger avec le chef et d’en apprendre plus sur ses techniques culinaires avant de rejoindre le restaurant situé un peu plus loin.
La salle à manger, chaleureuse et boisée, ressemble à un appartement cosy décoré avec un grand tapis et rehaussé d’une œuvre de Frank Auerbach. Le long du mur, le design ingénieux de la banquette préserve l’idée d’un repas intime et privilégié, tout en donnant l’impression de partager l’expérience avec le reste des convives. La petite capacité de la pièce -16 couverts et deux services – renforce cette idée de communion gastronomique.
Une fois assis, attendez-vous à des ingrédients de saison préparés sous un jour nouveau. On aime particulièrement l’huître de Carlingford pochée, dressée avec du caviar osciètre et servie avec une concoction à base de concombre.
Star du menu, le turbot, posé au centre de l’assiette, est partagé par deux sauces aux couleurs bien distinctes. La présentation résume en un coup d’œil la fusion des cuisines austroasiatiques et occidentales. Pour le dessert, on craque pour le gâteau au chocolat et sa glace de patates douces.
Le bâtiment abrite également la Blue Mountain School, qui propose des articles de mode et des expositions d’art contemporain. Comme la boutique et le centre d’art, le restaurant une étoile au guide Michelin ne désemplit pas. Réservez au plus vite.
9 Chance St, London E2 7JB
bluemountain.school
Sollip*, à l’interstice des mondes
Sollip, qui veut dire “aiguille de pin” en coréen, est un petit bijou singulier sorti de l’imagination débordante du couple Woongchul Park et Bomee Ki. Loin des échoppes luxueuses de Mayfair, les propriétaires ont choisi de poser leurs valises à Bermondsey, dans un quartier sud de la capitale.
Les premiers convives franchissent le pas en mars 2020, au tout début de la pandémie. Le restaurant se transforme alors en boutique de produits asiatiques, puis en bistro à la carte, en attendant des jours meilleurs. La première étoile au guide Michelin arrive dès février 2022, le temps de se remettre du troisième confinement et d’acter la réouverture définitive des commerces.
Le menu gastronomique s’installe désormais et change au gré des saisons.
Le chef Park explique avec humilité que s’il a toujours rêvé de faire de la cuisine française, son origine coréenne l’a fait réfléchir à deux fois avant de proposer des plats que les clients pourraient trouver inauthentiques. Après plusieurs allers-retours entre les Etats-Unis, la Corée du Sud et l’Angleterre, le couple décide de s’appuyer sur leur terre d’origine pour sublimer leur culture d’adoption.
Dans l’assiette, les plats hors du commun révèlent cette quête d’identité à chaque bouchée. Ni françaises, ni coréennes, ni même “fusion”, les propositions gustatives se placent à l’interstice de deux mondes pour laisser éclore une inimitable personnalité, bâtie sur le respect des traditions et des ingrédients.
Plutôt que d’engouffrer machinalement une panière de baguette entre deux mets, le pain au levain est servi comme un plat, entre une tarte tatin au radis blanc et foin brûlé, et un rouget dressé dans un bouillon marin, relevé avec une moule légèrement épicée. On savoure chaque instant, en tartinant délicatement la tranche de pain tout juste sortie du four avec du beurre aux algues brunes, et ses douces notes d’umami…
Pour les amateurs de sensations fortes, la patte de pigeonneau à la rhubarbe (non manucurée) est servie directement dans l’assiette. En dessert, le pain perdu noir à la vanille brûlée et haricot noir seoritae résume l’équilibre parfait du repas, véritable boîte à surprises gastronomiques, étonnantes et toujours parfaitement équilibrées.
Si vous avez besoin d’un hôtel à Londres durant votre séjour, les 4 et 5 étoiles sont à tester.
8 Melior Street, London SE1 3QP
sollip.co.uk