Découvrir Las Vegas autrement

Neon Museum © Maïa Morgensztern

Seven Magic Mountains 

En arrivant à Las Vegas par le sud depuis Los Angeles, le long de la route Interstate 15, sept étranges sculptures monumentales pointent à l’horizon. Les empilements de roches peintes de plus de 10 mètres de haut sont l’œuvre de l’artiste suisse Ugo Rondinone, connu pour ses installations totémiques multicolores. En plein désert du Nevada, l’installation qui a affolé les réseaux sociaux (c’était une des œuvres les plus instagrammées au monde lors de son inauguration en 2016) est aussi ludique que menaçante. Vous voilà à mi-chemin entre la beauté d’une terre aride et sans maître, dans le parc national de Mojave, et la folie des grandeurs de Las Vegas, royaume d’Oz en roue libre depuis les années 1930.

Seven Magic Mountains © Maïa Morgensztern

Les montagnes de Rondinone se placent dans la mouvance des rituels méditatifs qui consistent à poser des pierres en équilibre, et du Land Art, une pratique artistique qui vise à intervenir directement dans le paysage. Non loin de là, le lac asséché de Jean Lake évoque d’ailleurs le souvenir des performances de Jean Tinguely et de Michael Heizer des années 1960. Le Nevada Museum of Art et le Art Production Fund de New York, à l’origine de la commande, avaient initialement prévu que le site serait ouvert pour deux ans. Huit ans et plusieurs campagnes de restauration plus tard pour raviver les pigments sur la roche, la vision de prémonition à l’entrée de Vegas est toujours autant d’actualité. 

S Las Vegas Blvd, Las Vegas, NV 89054

Fontainebleau Las Vegas

On arrive à Las Vegas au coucher du soleil, témoin d’une nuit que la ville ne laisse jamais vraiment tomber. Direction l’hôtel Fontainebleau Las Vegas, qui à rouvert ses portes en grande pompe il y a quelques mois, après des années de réfection. Contrairement au kitsch de rigueur dans les autres lieux mythiques du strip – la tour Eiffel, les gondoles vénitiennes et les fontaines du Bellagio sont à quelques encablures de là – le Fontainebleau mise sur une architecture art déco inspirée de sa grande sœur de Miami. Ici aussi, on fait les choses en grand: 67 étages et plus de 3600 chambres. De nombreuses boutiques de luxe sont à portée de main comme Giuseppe Zanotti, Missoni, ou encore Chrome Hearts, que l’on visite sur réservation. D’autres concept stores et grandes marques s’apprêtent à emboîter le pas. Une petite faim ? Optez pour l’un des 36 restaurants et bars du complexe… Malgré le gigantisme, on se sent à l’aise dans cette opulence dont le raffinement en partie dû aux employés, étrangement sympathiques et avenants dans un environnement conçu pour pousser à la consommation.

Fontainebleau Las Vegas ©DREX Agency Mark Mediana

Même le rez-de-chaussée et ses 1,300 machines à sous et 128 tables de jeu donnent envie de tenter sa chance dans une ambiance feutrée. On mise tout sur les tables de poker ou au Black Jack, avant d’engloutir ses derniers dollars dans le ventre d’une machine à l’effigie de Dorothée et son chien Toto, inlassablement plantés sur la route de briques jaunes. Au centre de l’action, le Bleau bar et son magistral chandelier rappellent qu’il y a une vie au-delà du jeu. Le superbe Spa Lapis et ses massages apaisants valent d’ailleurs le détour ! Les beaux jours, on part buller autour de la piscine posée au pied de la tour, réservée à la clientèle. À l’heure du dîner, direction le Washing Potato et ses excellents Dim Sum, dans un décor où les clients s’attablent sur la scène, façon concert de rock. Demandez une chambre dans les étages hauts, avec une vue sur les montagnes et le ballet des avions et jet privés qui décollent au loin. En contrebas, la Sphere illuminée nous invite déjà à ressortir. 

Fontainebleau Las Vegas
2777 S Las Vegas Blvd, Las Vegas, NV 89109
En savoir plus sur Fontainebleau Las Vegas

Hoover Dam 

La Vegas vivant la nuit, échappez-vous en journée en direction de la route 11 qui contourne Boulder City, pour récupérer la route 93. A 40 minutes de là, les casinos bruyants laissent place à des paysages de contrées rocheuses où quasiment rien ne pousse. Après avoir passé une douane constituée de trois policiers qu’on croirait sortis d’un film des frères Cohen, le barrage de Hoover Dam offre un spectacle à couper le souffle. La construction semi-circulaire en béton posée dans le lit du Black Canyon et de la rivière du Colorado date de la Grande Dépression. Le Président Franklin D. Roosevelt dédie le lieu en 1935, à la frontière entre le Nevada et l’Arizona. On traverse alors la dizaine de mètres qui surplombe le réservoir avec une heure de décalage, selon que l’on se trouve d’un côté ou de l’autre de la route, avec pour repère les horloges des deux États posées sur les piliers qui descendent jusqu’au fond du lac Meade.

Hoover Dam © Maïa Morgensztern

Droit devant, la “ligne de la baignoire”, une ligne blanchâtre qui court le long de la roche, révèle le dépôt de minéraux, témoins d’un temps où l’eau se faisait moins rare. En aval du barrage, le pont Hoover Dam bypass relie les deux Etats, perché à 270 mètres au-dessus de la rivière depuis 2010. Bonus trivia: culotte rouge sur leggings bleus, le Superman campé par Christopher Reeves en 1978 s’est rendu sur place pour empêcher les eaux déchaînées d’engloutir un village voisin, après que le vil Luthor a endommagé le barrage à coup de roquette. 

US Hwy 93 Boulder City, NV 89006

The Sphere

De retour à Vegas en fin de journée, arrêtez-vous dans le tout nouveau jouet de la ville. Ouverte dans le complexe du Venetian et imaginée par les spécialistes de stades sportifs Populous, la Sphere s’élève à 112 mètres. Elle abrite un auditorium de plus de 18,000 sièges, ainsi que 4,000 places debout dans la fosse. Son écran immersif en résolution 16k a coûté plus de 2.3 milliards de dollars. Le site est doté d’un accès internet haut débit, d’un système haptique qui fait vibrer les sièges et permet de souffler du vent ou d’ajouter des odeurs. Le groupe de rock U2 a inauguré les festivités en septembre dernier avec une résidence de 40 dates. En ce moment, le film de Darren Aronofsky (Requiem for a Dream, Black Swan) intitulé Postcard from Earth offre des images époustouflantes des plus belles contrées de la planète bleue.

© Shere

Posez-vous dans les rangées 300, en plein centre, pour profiter au maximum de la vue sur les Grandes Rocheuses, les forêts tropicales et le dessous des océans. Le message du documentaire “l’homme est en train de détruire la Terre, c’est mal, mais en allant coloniser d’autres planètes l’humanité survivra” reste quelque peu malaisant, surtout dans un lieu où les 54,000 m2 de LED sont allumés H24. On se dit qu’après avoir vu les plus beaux paysages du monde avec des points de vue vertigineux (et souvent impossibles à accéder en vrai), on prendra peut-être moins l’avion pour se rendre sur place ? On peut toujours rêver. 

255 Sands Avenue, Las Vegas, NV 89169

Neon Museum 

Ouvert en 1996 pendant la période du boom immobilier et du développement des hôtels iconiques du Strip, le Neon Museum s’est donné pour mission de préserver les enseignes lumineuses du Las Vegas historique. L’histoire commence avec la perte du panneau original de The Sands, l’hôtel mythique où s’étaient produits Frank Sinatra et Jerry Lewis dans les années 1950. Un nouveau néon remplace le modèle original dans les années 1980, et l’enseigne obsolète part à la casse, au grand désespoir des organisations locales. Situé en plein air dans un coin de Downtown resté dans son jus, le musée est géré comme un organisme caritatif et ressemble à une fête foraine désaffectée, à la fois sublime et terrifiante.

Neon Museum © Maïa Morgensztern

On se rend sur place une fois la nuit tombée, pour déambuler dans un enchevêtrement de loupiotes et de sable, à la limite de l’expérience hallucinogène. La guitare de 24 mètres de haut du Hard Rock Café jouxte l’enseigne du lobby des motels La Concha et Yucca, des hôtels et casinos Plaza, Stardust, Moulin Rouge, et du Caesar Palace. De petits panneaux explicatifs retracent l’histoire de lieux choisis, pour une balade inoubliable dans le plus chouette des cimetières à néons.

770 Las Vegas Blvd N, Las Vegas, NV 89101

Bagdad Café et la route 66

Impossible de passer dans la région sans s’arrêter dans la cabane du Bagdad Café, calée au bord de l’ancienne route 66. On y accède en roulant d’abord le long de Harvard Road, une vieille route cabossée et couverte de sable blanc californien. Les cinéphiles se souviennent certainement des déboires de la touriste allemande Jasmin Münchgstettner et de l’affable Brenda (ténardière de la minuscule station service), toutes deux promises à une vie aussi aride que le désert qui les entoure. Alors que les deux femmes se battent pour leur survie, elles forment une amitié indélébile, à l’image de de la B.O. du film et du titre phare “Calling You”, interprété par la chanteuse de gospel Jevetta Steele. Sur place, rien n’a changé ou presque. On débarque à l’improviste pour trouver un propriétaire ou son voisin toujours aussi content de faire visiter les lieux.

Bagdad café © Maïa Morgensztern

Des milliers d’autocollants envahissent la baie vitrée et l’intérieur du bar. Les voyageurs de passage laissent aussi des drapeaux, des photos d’identité ou un petit mot qui ira rejoindre l’hommage hors du temps à l’opus de Percy Adlon. À l’heure du déjeuner, on peut même prendre un toastie au fromage ou un café filtre dont seule l’Amérique profonde a le secret. Seul bémol, ce portant aux T-shirts mal floqués dans l’entrée, mais dont la vente sert à subventionner la réfection des lieux, dont on ne paie pas l’entrée. On repart avec une taille XXXL rouge criarde à frange, siglée avec le nom du restaurant et le panneau de la route 66. La bonne cause on vous dit. 

46548 National Trails Hwy, Newberry Springs, CA 92365