Design
Les grandes tendances de l’édition 2024 de la Design Week de Milan
29 AVRIL . 2024
C’est l’un des événements les plus courus de l’année en matière de Design et il a lieu dans la capitale lombarde où se bousculent tout ce que le Design compte de créateurs, marques, labels indépendants et éditeurs, et où se dévoilent les tendances pour l’année à venir !
Rendez-vous annuel qui met Milan en ébullition totale, occupant tous les showrooms de la ville, églises, villas historiques, cafés, le FuoriSalone entendez par là le off du « Salone del Mobile » présente la crème de la création contemporaine en matière de Design.
C’est donc ici que les tendances germent en premier lieu, et pour cause, l’histoire de la ville est intimement liée à l’émergence du Design, en ce qu’elle a abrité au siècle dernier de nombreux pionniers de la discipline dont les oeuvres sont aujourd’hui consacrées dans les collections du musée dédié : la Triennale de Milan. Depuis, le Design continue de s’y réinventer chaque année. On fait le point sur les tendances de cette nouvelle édition de la Milan Design Week pour vous !
Le métal en majesté chez Alcova
C’est l’exposition majeure, celle de la plateforme itinérante qui affole tout le monde depuis sa création en 2018. Installée pour cette nouvelle édition sur deux sites hors de la ville entre la Villa Borsani (chef d’œuvre moderniste de l’architecte-designer Osvaldo Borsani) et la Villa Bagatti Valsecchi (joyau XIXème qui servit de résidence d’été à une riche famille milanaise), Alcova a l’art de réunir, à nul autre pareil, les acteurs qui font le Design d’aujourd’hui et de demain. L’occasion de prendre le pouls d’une tendance qui ne faiblit pas depuis quelques saisons : le métal. Matériau fétiche des nouvelles générations, il a la capacité de réfléchir la lumière et donne la possibilité de travailler les formes à l’envi.
On succombe à l’art de la table de la designer colombienne Natalia Criado et ses couverts ou théières comme autant de bijoux prêts à orner n’importe quelle table. On se prend à rêver de travailler dans l’installation « Mid Century Journey » de Supaform, studio fondé par Maxim Scherbakov, avec son imposant bureau aux formes ludiques, son fauteuil trône et son élégant lampadaire.
Un instant suspendu offrait la possibilité de poser son œil (ou plus) sur le fauteuil bas très géométrique de la designer belge Linde Freya Tangelder (Destroyers / Builders).
Le verre
Employé à des fins usuelles depuis des millénaires, le verre demeure un incontournable en matière de Design. Qu’il permette à des jeunes designers de réinterpréter des typologies d’objets classiques pour les détourner de leur fonction à la manière des sculptures de Pierre Marie chez Saint-Gobain, qu’il offre un champs d’expérimentation infini comme avec les oeuvres rendant hommage aux plateaux de cinéma de Valentina Cameranesi Sgroi présentées à travers l’exposition « Unexcepted Guests » chez Bocci, ou qu’il se plie à une forme de radicalité avec les luminaires de Studio Nendo chez Wonderglass, le verre nous en fait voir de toutes les couleurs.
Et ce ne sont pas les pièces en trompe-l’œil (sac, cafetière et autres objets domestiques) de Sophie Lou Jacobsen, les « Passaggi » pour Contributions Design qui nous diront le contraire !
La mise en scène théâtrale des objets du quotidien
Plus que jamais les studios d’architecture et de design rivalisent d’originalité pour mettre en scène leurs objets dans un contexte surprenant. Cette année la tendance est définitivement à la théâtralité. Exit le white cube, surtout à Milan où la décoration est religion et place à la Grande Bellezza. Studioutte, cabinet interdisciplinaire milanais fondé par Patrizio Gola et Guglielmo Giagnotti, a ainsi présenté sa collection de mobilier dessinée pour le Monde Singulier à travers sa Sala d’attesa conçue comme un espace intimiste, entièrement tapissé de satin rouge signé Dédar scandé d’aluminium.
Une allure théâtrale qu’on retrouvait chez Dimore Studio dans l’appartement mythique de la via Solferino habillé d’imposantes tentures noires où le duo d’architectes le plus connu de la ville officie, une manière de s’éloigner de l’atmosphère domestique pour révéler la beauté de chaque objet dans un cadre spectaculaire. Voyant les choses en grand, l’iconique studio Formafantasma investissait quant à lui le Teatro Gerolamo pour mettre en scène leur collaboration avec Cosentino, entreprise espagnole productrice de surfaces et matériaux innovants.
Yesterday is the new tomorrow, quand le Luxe se mêle au Design en matière de réédition
Parce que la création d’hier ne cesse d’inspirer celle de demain et que les pièces iconiques ne se démodent jamais vraiment, la tendance est à la réedition de ces modèles qui ont marqué l’Histoire. Mais pas n’importe comment. Les plus grandes marques de luxe mettent leur savoir-faire inédit au service de ces rééditions et cela donne des créations ultra désirables.
Il en est ainsi de la collaboration entre Loro Piano Interiors et Arflex autour de Cini Boeri. Avec cet hommage à la papesse du Design Italien à l’occasion du centenaire de sa naissance – Cini Boeri étant aux Italiens ce que Charlotte Perriand est aux Français – Loro Piana Interiors met au service des sièges iconiques de la créatrice (canapés modulaires et lit Strips, les sofas et fauteuils Pecorelle, les fauteuils Bobo) ses plus nobles matières et ses coloris les plus subtils pour proposer un ensemble de pièces uniques produites par Arflex.
Autre réédition ultradésirable avec Bottega Veneta qui s’associe à Cassina (en collaboration avec la Fondation Le Corbusier) pour réinterpréter le LC14 Tabouret Cabanon, Roquebrune-Cap-Martin 1952. Originellement réalisés pour recevoir les invités du défilé Hiver 2024 de Bottega Veneta, ces 100 tabourets à la finition brûlée inspirée d’une technique japonaise, ont investi le Palazzo San Fedele le temps du Salon dans une scénographie enchanteresse. En plus des tabourets du défilé, il était possible de découvrir de nouvelles variantes en série ultra limitée (60 en tout) de ces tabourets, cette fois conçus en cuir tressé Intreccio – l’une des signatures de Bottega Veneta – de couleur verte, jaune, rouge ou bleu.
Une lumière haute technologie
Une dernière tendance qui ne nous a pas échappé est celle de la lumière comme expérience.
C’est sur cette technologie que tablait le designer japonais Hideki Yoshimoto pour mettre en scène la voiture du futur, la Lexus LF-ZC, au Superstudio Più où le constructeur s’installe chaque année à l’occasion de la Milan Design Week. Déployant un univers mêlant technologie et artisanat japonais dans lequel il baigne depuis toujours, le designer jouait la carte de la poésie en lumière. L’installation, rythmée de sculptures qui s’illuminaient au son de la musique conçue par Keiichiro Shibuya, était tapissée en arrière plan de papier washi (le papier traditionnel japonais) que des effets de dégradés de lumière embrasaient jusqu’a créer des effets tantôt d’aube, tantôt de crépuscule. Une manière de matérialiser l’idée de mobilité pour le visiteur à l’arrêt.
De la même manière, Google faisait intervenir le studio d’art expérimental californien Chromasonic dans une exposition immersive intitulée Making Sense of Color
qui se déployait dans 21 salles, chacune délimitée par des panneaux semi-translucides devenant un labyrinthe de lumières LED qui changeaient de teinte au rythme des fréquences sonores. La lumière, outil ultime pour sculpter l’espace.