«Owi Owi Fouette-moi», du blog au livre de recettes, l’interview sans filtre

Cuisine

30SEPT. 2024

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«Owi Owi Fouette-moi», du blog au livre de recettes, l’interview sans filtre

30 SEPTEMBRE . 2024

Écrit par Alfred Reed

La blogueuse au ton inimitable, Owi Owi fouette-moi, est de retour pour un troisième livre de recettes qui ne vous laissera pas froid. L’étoile rieuse des réseaux sociaux sort le 18 septembre un remarquable livre : Chaud/Froid chez Albin Michel. Elle confie ses débuts, sa passion et ses inspirations en cuisine dans un entretien exclusif pour Les Hardis. A déguster sur la longueur.

© Jordan Landaverde

D’où vient cette passion en cuisine ? Quelle en a été la source ?

Je viens d’une famille où on aime bien manger, je pense que c’est déjà un bon début. Mon père aimait cuisiner, son père était chef et sa mère était cuisinière dans une maison pour jeunes classés par le juge. J’ai toujours connu ma grand-mère faisant plein de recettes, de plats, de tartes. Tout elle-même ! Mon père, c’était plutôt pour les plats de fête. Il aimait bien alors se mettre au fourneau, il aimait aussi nous emmener au restaurant.

© Jordan Landaverde

Est-ce qu’il y a eu un moment déclencheur pour cette aventure dans l’écriture sur un blog ?

Je partageais des recettes sur les réseaux sociaux, et on m’a dit « ça serait pratique si tu mettais ça sur un blog, comme ça on pourrait facilement les retrouver ». J’ai dit « pas de souci, on va faire ça ». Mais à ce moment-là, j’étais dans l’idée simplement de partager avec des proches, c’était vraiment un tout petit public. Et puis, ça a pris de l’ampleur parce que j’y passais beaucoup de temps, c’était un petit peu comme une planche de salut pour moi, ma manière de m’évader. J’ai nourri le blog dès que je pouvais. 

© Jordan Landaverde

Vous semblez vous évader avec un ton un peu amusant, amusé, ça vient d’où ce « owi, owi, fouette-moi » ?

Je sais que ça vient surtout d’un gros manque de sommeil ! Parce qu’à cette époque-là, je m’occupais de bébés, j’ai eu des jumeaux en 2015 et en gros, je ne dormais pas. J’ai eu cette idée et j’ai trouvé ça drôle. Quand on ne dort pas, on finit par trouver drôle beaucoup de choses à 2h du matin. C’est resté. 

© Jordan Landaverde

C’est original dans la cuisine de parler d’une manière complètement naturelle et en même temps provocante ?

Provocante, je ne sais pas. Je ne me suis pas vraiment creusé la tête sur comment j’allais parler. Je me suis dit « Je vais faire un truc classe comme Nigella » et puis en fait, j’ai écrit comme je suis. Quand je fais des vidéos, c’est vraiment le ton owi owi parce que je m’exprime comme ça… Je voulais aussi effectivement quelque chose de relax, de décontracté, parce qu’il y a suffisamment de sources en cuisine qui sont intimidantes, genre : « On peut tous participer au meilleur pâtissier ou à Top Chef », ce qui n’est évidemment pas le cas de tout le monde, loin de là ! J’avais envie de m’adresser aux gens en les mettant en confiance, vraiment à l’aise. 

© Jordan Landaverde

Depuis, un premier livre Le gâteau dont tu es le héros, ensuite À foutre au four, et maintenant Chaud/Froid, il n’a pas été trop difficile de faire des choix ?

C’est vrai que j’ai beaucoup hésité et finalement, je trouvais que le gâteau était un bon point de départ pour me faire connaître des gens qui n’avaient jamais entendu parler du blog à l’époque. Il y a plus de 700 billets en ligne maintenant, à la fois du sucré, du salé, de la boulange, il y a vraiment de tout. Et donc, ça me donne l’occasion de puiser au gré de l’inspiration pour des livres plus travaillés parce qu’au-delà du blog,  les gens aiment avoir un bel objet sur lequel ils peuvent mettre la main et l’utiliser en cuisine. Et pour les choix de recettes, j’ai toujours été quelqu’un de très, très ouvert. Dans ma famille, on mangeait des plats de partout, autant belge, français, de tous les pays… Je me laisse guidée par les saveurs, les textures, voir comment tout va se marier. Peu importe les origines des ingrédients, les influences. Voilà, et ça permet de créer des plats originaux et sympas. 

© Jordan Landaverde

Comment parvient-on à écrire ce qu’on cuisine ?

Je ne commence pas dans la cuisine mais dans mon lit. J’ai besoin de rêver le livre, de le sentir, de savoir quelle histoire il va raconter, à quoi il va ressembler, ce que j’ai envie que les gens ressentent en le feuilletant, en le parcourant, en l’utilisant. J’ai vraiment besoin que chaque livre ait son univers, sa personnalité. Il y a suffisamment de recettes sur Internet, de tout et n’importe quoi, gratuitement. J’ai vraiment besoin de créer à chaque fois un univers et c’est là que ça commence : voir quelles recettes vont raconter ces histoires, quelles sont les histoires qui vont raconter les recettes. Et c’est vraiment tout un travail, comme un Rubik’s Cube, et à un moment tout va cliquer. Je saurai alors que voilà, ça y est, on y est, le livre est né !

© Jordan Landaverde

Quelle qualité préférez-vous dans un plat chaud ?

Si c’est un plat chaud, j’ai envie qu’il soit vraiment chaud. J’aime bien les contrastes, quand il y a des choses qui tranchent ou des goûts affirmés. Je n’aime pas le tiède, ce qui est palot. Donc si on pense à un plat chaud, j’aime bien qu’il sorte le grand jeu et qu’après je sois vraiment bien réchauffée. 

Et dans un plat froid ?

J’aime bien les jeux de température faire coexister des préparations avec des températures différentes pour mieux les mettre en valeur chacune, jouer sur les textures qui vont aussi être différentes selon la température à laquelle tu sers ton plat et j’aime bien aussi travailler avec ce qui est servi à température ambiante, ni chaud ni froid, parce que c’est le moment où tu es vraiment complètement capté par la recette, pas distrait justement par la question des températures. Tu vas mieux ressentir tous les goûts, tous les arômes, toutes les saveurs, toutes les textures. 

© Jordan Landaverde

Le citron est un véritable sujet, pourquoi ?

Le citron c’est un petit peu la quintessence de la saveur acidulée, c’est un ingrédient magique pour n’importe quelle préparation : sucré, salé ! C’est la petite touche qui va faire d’un plat sympa quelque chose qui sera vraiment wow ! A sa manière, ça va venir pimenter une préparation, ouvrir une fenêtre, donner de l’air, faire entrer le soleil et mettre tout le reste en évidence. Le citron rend vraiment hommage à n’importe quelle recette. 

© Jordan Landaverde

Quelle est l’importance du bouillon en cuisine ?

Le bouillon c’est bon. Ce que j’aime chez lui c’est qu’il demande en soi très peu de travail, ça cuit longtemps mais tout seul. Tu jettes tout dans ta casserole et quand tu reviens, c’est comme s’il y avait un élixir qui s’était créé. C’est un peu magique à partir d’ingrédients un petit peu disparates et surtout, ça permet de magnifier n’importe quelle soupe ou n’importe quelle sauce. Il n’y a pas de meilleure manière de se réchauffer que la première petite tasse juste après l’avoir préparé.

© Jordan Landaverde

Quel est le principal défaut en cuisine ?

La recherche de la perfection. Alors moi, ça fait très longtemps que je ne suis plus là-dedans. Mais inévitablement, tout le monde a des défauts. On nous montre toujours des experts, des émissions de compétition à la télévision avec des chefs. C’est bien que ça existe, mais la cuisine de chef, la cuisine de restaurant, c’est un univers à part ! Je suis une cuisinière maison qui s’adresse à d’autres cuisinières et cuisiniers maison. Certains livres de cuisine partent du principe qu’on s’y connaît déjà, c’est faux ! On ne comprend jamais tous les termes, pas toutes les instructions ou le choix des ingrédients. Ce qui fait que parfois les gens se retrouvent à perdre leur temps, leur énergie, leur argent en essayant de réaliser des recettes alors qu’ils seront déçus. Puis ils vont penser que ce sont eux la cause de cet échec. Par ailleurs, pour progresser en cuisine, c’est comme pour n’importe quoi, il faut pratiquer et réaliser une recette au moins trois fois pour vraiment se sentir à l’aise et pouvoir plus finement trouver la manière dont on aime la préparer. Si on fait des choses une seule fois, eh bien, on est toujours un peu déçu parce que ça n’est jamais que le premier pas. Il faut se dire que l’imperfection, c’est la vie ! On n’est pas là pour faire des choses parfaites. La perfection, c’est ennuyeux. Et l’idée, c’est de se faire plaisir en préparant, en goûtant et en faisant son petit chemin en cuisine. Je pense que c’est vraiment ça qui m’a guidée dans l’idée de partager des recettes. 

 

Quelle est la principale qualité en cuisine ? 

Être têtu, c’est très utile parce que chaque fois qu’on teste quelque chose, que ça marche ou que ça ne marche pas, on apprend. C’est un peu comme une enquête et que quelque chose ne fonctionne pas, ça va me trotter en tête. J’aurai besoin de recommencer et de tester les hypothèses pour comprendre exactement ce qui fait que ça se passe comme ça. Ça m’aide beaucoup aussi pour guider les gens dans mes recettes, ça me permet de devancer les difficultés qu’ils peuvent rencontrer, ce qui est très important. Ce chemin-là je l’ai déjà fait pour eux. 

© Jordan Landaverde

Proust avait envisagé de parler de pain grillé mêlé au miel puis c’est devenu une biscotte et finalement une madeleine ? Et pour Owi owi ?

On peut remonter au plat que préparait ma grand-mère. Des choses très belges, la tarte au sucre, la tarte à la cassonade, des croquettes de crevettes. C’est toujours des choses que j’adore. J’ai des origines italiennes, donc il y a aussi pas mal de plats qui m’évoquent beaucoup de belles choses, avec une famille aussi qui aime être en cuisine. Faire les pâtes soi-même, prendre quelques heures tous ensemble pour préparer les tortellinis qu’on mettra dans le bouillon. Ce sont de chouettes souvenirs. 

 

Ottolenghi est important pour Owi, de quelle façon ?

Il y a souvent pas mal d’ingrédients chez Ottolenghi et il peut y avoir beaucoup d’étapes. Mais quand tu regardes au-delà de ça, la méthode qu’il utilise, c’est super testé, c’est super efficace, ça ne rate pas. Et il y a toujours moyen de simplifier pour qu’il y ait moins d’étapes. Il y a tout à fait moyen d’utiliser Ottolenghi comme une boîte à outils. Ce sont vraiment des recettes qui sont super précieuses à partager. J’aime bien faire découvrir aux gens comment décortiquer une recette, ce qu’il faut venir y piocher, de manière très simple, vraiment pour se faire plaisir.

© Jordan Landaverde

Votre plus grand malheur en cuisine ?

Il n’y a pas vraiment de catastrophes en cuisine, au pire, tu feras mieux la fois suivante, c’est l’avantage. A part si tu te fais mal, là c’est plus embêtant. Il m’est arrivé deux fois des choses assez drôles. Une, c’était bien raté. Je venais de recevoir mon robot KitchenAid, je me suis dit, ouais, je vais super bien mélanger ma pâte à gâteau, et c’est comme ça que j’ai appris que quand tu mélanges trop ta pâte à gâteau, ta pâte pense qu’elle est une pâte à pain et ton gâteau devient dense, dure et dégueulasse. Donc voilà, à tout malheur, on peut trouver quelque chose à apprendre. Sinon, il y a une autre histoire très drôle. J’étais en train de faire une photo de gâteau. C’était en été, je m’étais mis à un endroit pour essayer d’avoir une lumière potable et j’avais mis le gâteau par terre. Mes enfants étaient encore petits, environ un an. Et il y en a un qui s’est jeté en l’air au moment où je prenais la photo. J’ai toujours cette photo où on le voit suspendu au-dessus du gâteau, avec un sourire aux anges, juste avant de s’écraser dans le gâteau, littéralement, une seconde après. Ça nous fait toujours beaucoup rire !

 

Qu’est-ce qu’Owi owi constate d’important dans les livres de cuisine en ce moment ?

Grâce à Ottolenghi les livres de recettes sont de plus en plus, et de manière assez relaxe, en partie végétarien. Sans que les livres soient végétariens en tant que tels, mais il y a des recettes qui s’adressent à plein de gens différents, avec des goûts, des régimes, des contraintes différentes. C’est quelque chose que j’apprécie beaucoup : les livres de cuisine rassemblent. 

© Jordan Landaverde

Vous avez des retours un peu originaux de fans qui suivent vos aventures ?

Je pense que c’est aussi ça qui a beaucoup influencé ma manière de travailler, de tester et d’écrire. Quand j’étais sur les réseaux sociaux avant de lancer le blog, les gens se sont sentis toujours très à l’aise pour m’interpeller quand ils avaient une question, avant ou après une recette, pour essayer de comprendre pourquoi ça ne fonctionne pas. Cela m’a permis de devenir très critique, analytique aussi, pour mieux comprendre comment les choses fonctionnent et donner ces clés-là aux gens, finalement, pour que, plutôt que de suivre les recettes, ils puissent progressivement apprendre à cuisiner et adapter les recettes en fonction de ce qu’ils ont sous la main, en fonction de ce qu’ils aiment. Les retours sont vraiment très riches, donc, c’est aussi pour ça que c’est chouette quand j’ai l’occasion de faire des dédicaces. Je me souviens de ma première dédicace à Paris, un garçon de 8 ans est venu faire signer son livre avec son papa qui m’a expliqué qu’il était en train, littéralement, de tester une recette du livre par jour. Il revenait, il avait fait un nouveau gâteau. Je trouve ça absolument magnifique !

 

Chaud/froid : 60 recettes pour faire grimper ou redescendre la température, par Owi Owi, fouette-moi, parution le 18 septembre, chez Albin Michel

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