Will

Ce Will-là n’est pas l’Ecarlate de Robin des Bois mais William Pradeleix, qui a un temps ravi nos sens chez Manger avant de prendre son envol. Le voilà désormais dans ses murs, pas très loin de la place d’Aligre, au beau milieu d’une cuisine ouvrant son regard franc sur une grande salle carrée, généralement bondée. C’est dans ce douzième arrondissement un peu délaissé des fourchettes et dans un sobre décor de bistrot moderne (tables sans nappes, verres colorés et photos noir et blanc aux murs) que l’ancien second d’Hélène Darroze au Connaught officie désormais.

Si la vaisselle a changé, le talent lui, reste intact. On retrouve chez Will tout le bonheur d’une cuisine de bistrot contemporain, bien ficelée et ajustée au millimètre qui nous avait plusieurs fois ramenés chez Manger. A l’aise avec le froid (« Ceviche de thon, citron vert coco, piment thaï » tout en parfums, « Carpaccio de maigre, radis cerise, vinaigrette gigembre » d’une époustouflante fraîcheur), brillant avec le chaud (superbe « Poitrine de cochon confite du Cantal, artichauts poivrade, jus façon teriyaki » enrobant ses saveurs tièdes d’une belle douceur, savoureux « Médaillon de veau, condiment citron, fenouil, olives Taggiasche » à la cuisson irréprochable et aux arômes inédits), le plaisir filera bon train jusqu’au dessert avec un « Eton Mess » comme on les aime, léger comme une brume de petit matin sur la Tamise.

Ce que l’on aime chez Will, ce sont ces yeux grands ouverts sur le monde, twistant les influences lointaines dans une manière très parisienne, faisant d’un repas un voyage immobile, lointain et proche à la fois.

Autant dire que cette adresse a du chien, un beau caractère et ce ne sont pas les habitants du quartier qui en font leur délice ni les amateurs éclairés qui traversent tout Paris pour y vider leur assiette qui me contrediront. Chef à suivre donc…

Thierry Richard