Culture
Exposition : Irving Penn, la mise rigoureuse
15 SEPTEMBRE . 2017
Qui est Irving Penn ? Un énième photographe de mode ? Surtout pas. Il est même tout sauf cela. Son oeuvre est beaucoup plus sombre et poignante que les sylphides des podiums auxquelles il a pourtant donné de la profondeur. En attendant de découvrir la rétrospective qui lui sera consacrée au Grand Palais à partir du 21 septembre pour célébrer le centenaire de sa naissance, (bref) retour sur un photographe mythique et inclassable…
Né en 1917, l’Américain entame des études de design en songeant à se diriger vers la peinture. La légende veut qu’il ait saisi son premier appareil photo sur un shooting pour Vogue. Alors assistant du directeur artistique, il n’arrivait pas à expliquer sa vision par ses croquis. Encouragé par son chef, Alexander Liberman, il se lance dans la photographie.
“I can get obsessed by anything if I look at it long enough. That’s the curse of being a photographer.” – Irving Penn
Ses premiers travaux se concentrent sur les portraits ; de mode, d’abord, d’ailleurs, ensuite. Le portrait, rien de mieux assure-t-il pour lui permettre « d’enfermer les gens » dans le cadre et observer leur réaction, qu’ils se sentent en sécurité ou piégés. Intéressé par les traditions des différentes ethnies qu’il croise au fil de ses voyages (comme celles des Andes ou d’Afrique), il met aussi en scène des personnalités du quotidien dans sa série Small Trade (début des années 1950).
Au fil des années, Irving Penn gagne en notoriété et en créativité. Picasso et Capote lui accordent des séances de pose. A l’abri, derrière les murs de son studio qu’il transforme en roulotte s’il doit se déplacer, il capture rigoureusement le charisme des acteurs et la beauté des top models tout en cherchant leur antagonisme : des corps bien en chair, des mégots ramassés dans la rue, symbole du consumérisme décrépit, des vis, clous, parpaings assemblés en nature morte… Tout, tant qu’il peut y extraire de la beauté. Il célèbre tantôt la vie (certains tirages vont même jusqu’à l’humour comme une pastèque ou un fromage attaqué par une fourmi), tantôt son contraire (de nombreuses photos mettent en lumière l’esthétique des crânes).
Jamais une image n’est saisie en lumière naturelle ou en extérieur. A partir des années 1960, Penn retire ses négatifs au platine, technique ancienne qui donne ce grain graphique et si particulier à ses réalisations. Comme un dessin au fusain, aucun tirage n’est identique ; certains sont plus effacés, d’autres plus nets. Le fond quant à lui est toujours gris.
Au détour des clichés, il est donc bon de se rappeler qu’Irving Penn est bien plus qu’un photographe de mode. C’est un artiste, l’un de ceux qui laissent leur marque et continuent d’influencer les nouvelles générations.
Louise Bollecker