Style de vie
Tintin, un héros du style ?
02 NOVEMBRE . 2016
Fidèles et agréables compagnons d’enfance, Les Aventures de Tintin constituent une œuvre magnifique. L’exposition Hergé au Grand Palais (jusqu’au 15 janvier 2017) est l’occasion de se remémorer quelques scènes mythiques mais aussi d’observer ce qui fait le style de Tintin. Tout au long de ses albums, Hergé a dessiné le monde qui lui était contemporain, ancrant ses personnages dans un univers parlant aux plus grand nombre. Cinquante ans d’histoires sont ainsi sauvegardés dans les planches et bulles d’Hergé. Alors, Tintin était-il un Grand Duc ?
Tintin : une silhouette légendaire
Le style de Tintin est passé dans l’imagerie collective, il est composé d’un complet brun avec pantalon type Plus four, veste de sport avec martingale dans le dos et soufflet d’aisance. Le « Plus four » est un pantalon légèrement bouffant qui apparaît dans les années 1860 au sein des milieux aristocratiques et bourgeois du Royaume-Uni. Popularisé par le Duc de Windsor (alors simple Prince de Galles), ce pantalon, utilisé pour la chasse, la montagne, la moto est l’un des premiers vêtements sportswear. Il connaît son heure de gloire dans tout l’Occident entre 1920 et 1940.
Tintin porte également un imperméable type Macintosh ou un trench-coat croisé à 6 boutons et casquette plate, souvenir d’un passage outre-Atlantique. Le pull est bleu ciel, col rond agrémenté d’une chemise blanche, cravate bleu noire ou rose. Enfin, les chaussettes sont hautes, noires ou blanches.
L’évolution du style au fil des albums
Le style « Out Of Africa »
Tintin au Congo – 1931 :
Dans cet album, Tintin troque son sempiternel look contre un style plus adapté au climat du continent Africain.
Look 1 (à gauche) : Tintin adopte le polo manches longues avec poches plaquées à rabats revers de manches en lin ou coton, bermuda, chaussettes hautes en fil d’Écosse, souliers brun de cuir et casque colonial.
Look 2 (à droite) : Tintin revêt ici un polo manches longues et revers de manches en coton piqué, pantalon jodhpur en tweed, flanelle velours côtelé léger et bottes noir d’équitation. A noter la superbe combinaison de vol de l’aviateur en mouton retourné.
Le style « Ouest Américain »
Tintin en Amérique – 1932 :
Album le plus vendu de la collection, Tintin en Amérique brosse l’univers chic de la Mafia de Chicago et de son célèbre Al Capone. On y trouve une série de vestes aux revers larges et aux anglaises horizontales fleurant bon les années 1930, des casquettes de tweed et panamas, mais aussi des tenues plus décontractées avec polos, pantalons et vestes dépareillées. Tintin y porte la tenue du parfait cowboy : pantalon noir ou marron, chemise à carreaux en flanelle ou laine bleu revers de manches, foulard rouge et bottes sans éperons, le tout acheté chez Redskincity.
Le style « Highlands et divine Albion »
L’Île Noire (1938) :
Avec cet album, Hergé fait la part belle à l’Ecosse, ses paysages hostiles, sa nature dominante et son whisky. Tintin est en majorité habillé d’un costume traditionnel écossais : kilt à carreaux avec sa sacoche, pull en laine vierge ou en shetland, paire de chaussettes hautes en laine avec garters, et beret traditionnel (tam o’shanter). Remarquez que les vêtements sont souvent bleus en raison du manque de teintures chimiques.
Le style « Grand Explorateur »
L’Etoile mystérieuse (1942) :
Un album aux aventures polaires qui n’est pas sans rappeler l’univers d’Ernest Shackleton et les explorateurs du XXème siecle. Afin de lutter contre le climat Arctique, Tintin porte deux tenues intéressantes :
Look 1 (à gauche) : Plus four brun et volumineux manteau de fourrure, peut être en mouton, en loup ou en ours polaire.
Look 2 (à droite) : Plus four brun et manteau en peau retourné, typique des pilotes aériens devant affronter les températures basses, gants en fourrure et bottes doublées.
Objectif Lune (1953) :
Après la Seconde Guerre, l’homme se rêve à vivre sur d’autres planètes. L’actualité du moment influence de nouveau Hergé qui envoie notre héros dans l’espace. Dans cet album, Tintin et la totalité des personnages sont vêtus de superbes combinaisons d’ingénieurs aéronautiques, comme pour faire écho aux célèbres « siren-suit » de Sir Winston Churchill. De couleur bleu ciel/klein ou olive/kaki, elles sont ceinturées, munies de larges poches pectorales à rabats. Tintin porte la sienne par-dessus un pull bleu et une chemise blanche.
Tintin au Tibet (1960) :
En moyenne altitude Tintin porte la même tenue que dans Objectif Lune. En haute montagne, seul le haut change, Tintin remplace sa laine par un pull épais à poche pectorale, lunettes de soleil à branches reliées et casquette. Ces tenues, résolument sportswear, sont un bon indicateur des conditions extrêmes auxquelles étaient confrontés les alpinistes de l’époque. Elles permettent également de mesurer nos avancées, non en matières d’élégance, mais afin de mieux survivre en milieu hostile.
Tenue de soirée
Les Sept Boules de cristal (1948) :
En plus de nous faire découvrir l’Amérique latine, cet album permet de voir Tintin et surtout Haddock habillés pour l’opéra. Si Tintin conserve son complet, Haddock adopte un superbe smoking à cran aigu, chemise col cassé à plastron amidonné et monocle… Grands Ducs !
En route pour la modernité
Les Bijoux de la Castafiore (1963) :
Dans ce huis clos, Tintin se voit affublé d’une veste en cuir plus moderne. Néanmoins il conserve, pour le moment, son éternel plus four brun, pull bleu col rond et chemise blanche.
Tintin et les Picaros (1976) :
Pour ce dernier album, coup de théâtre, Tintin abandonne son plus four. Dans un souci de se rapprocher des jeunes générations, notre héros est désormais en jean, légèrement évasé et mocassins. Il porte un blouson en suede et mouton retourné, et chevauche un cyclomoteur type solex. Enfin, ultime concession à la modernité, son casque porte le signe « peace and love », marque de reconnaissance du mouvement hippie symbolisant la paix dans les années 60.
L’œuvre colossale d’Hergé a permis d’apprécier les variations dans le vestiaire masculin classique et sa transition vers la modernité. Hergé connaissait-il les règles du vestiaire classique ou bien s’est-il contenté de reproduire les mises de ces contemporains ? Impossible à savoir, mais, pour nous, il n’y a pas l’ombre d’un doute, Hergé était bel et bien un Grand Duc.
Charles Bonnet et Gauthier Borsarello