Gastronomie
Sagan : la cuisine japonaise couleur Grand Cru
16 JANVIER . 2018
Petit frère de l’Izakaya Lengue (aujourd’hui renommé Beige), Sagan propose une immersion au coeur de la cuisine traditionnelle japonaise Kappo, tout en faisant tourner la tête à tout bon amateur bachique qui s’assume. Françoise aurait peut-être aimé Sagan, mais le nom du restaurant signifie tout bonnement “rive gauche” en japonais ! Vous l’aurez compris, pour changer des sushis ou autres ramens et s’offrir un dépaysement qui ne manque pas de piquant, cap sur Sagan !
Rive Gauche, comme la chanson de Souchon, comme le carrefour de l’Odéon. C’est dans une petite rue, derrière une devanture discrète que la magie opère. En vitrine, des cadavres (exquis) de flacons donnent immédiatement le ton. Il n’y a qu’à pousser la porte de cet izakaya et s’emparer de la carte pour en avoir le cœur net : Sagan aime passionnément le vin et sa verrerie de qualité le lui rend bien…
Tout en longueur et en comptoir – assurément et comme toujours les meilleures places – les baguettes frétillent à la vue d’un menu vivifiant, oscillant entre cru et cuit, grillé et bouilli, et quelques plats de la cuisine végétarienne bouddhiste, le tout répondant aux exigences de la carte d’un repas traditionnel japonais. Bienvenue au cœur de la cuisine Kappo !
Côté vin, il y a de quoi donner dans le vertige. La sélection fait la part belle aux vins de Bourgogne, dont l’élégance et la buvabilité siéent tout particulièrement à la finesse de la cuisine nippone. Morceaux choisis pour saliver : Chablis de chez Droin, Puligny de chez Ramonet, Meursault de chez Jean-Marc Roulot, Gevrey de chez Denis Mortet, Volnay du Marquis d’Angerville… Les prix sont relativement sages et ne donnent pas la migraine.
Originalité et signature maison : le concept de la dernière bouteille, des flacons vendus à prix bradé et sur des millésimes anciens, destinés à une clientèle joueuse et prête à faire un coup de poker sur une bouteille, qui, si elle s’avère bouchonnée, ne pourra être ni remplacée ni remboursée.
Ce soir-là un Latricières Chambertin 2004 de chez Faiveley, un Pauillac 1983 de chez Pontet-Canet et un Saint-Emilion 1985 de Château Gazin étaient fièrement de la partie pour accompagner avec grâce un extraordinaire Tataki de thon agrémenté de chips de poireaux et de sauce soja au dashi, onctueux comme du beurre, un savoureux Sumibiyaki de porc (cuit sur charbon de bois) servis avec des salsifis et une sauce miso à l’ail noir, et un Gyu-Nikomi, comprendre ragoût de bœuf à la japonaise, tout en saveurs.
Le ballet des blancs, Aligoté de chez Etienne Sauzet et Puligny de chez Ramonet (le tout en 2011) avait quant à lui ouvert les hostilités pour faire honneur à un explosif Carpaccio de Bar et sa sauce soja aux algues, réveiller l’iode des huîtres pochées au vinaigre et à la sauce ponzu et faire fondre de bonheur le Chawan-Mushi, flan traditionnel aux œufs cuit à la vapeur, agrémenté dans cette version de chair de tourteau.
Une cuisine remarquable de finesse, de justesse et de fraîcheur, un service discret et d’une grande minutie, décidément Sagan a tout du super bon plan ! Léger bémol sur les desserts (de la framboise en plein hiver, vraiment ?) mais rien qui ne viendrait entacher le moment. Dépêchez-vous d’y courir, Sagan, c’est assurément très grand !
Laurène Bigeau