Eros
La femme fatale en voit de toutes les couleurs avec Tom Wesselmann
07 MARS . 2019
Si sa popularité n’égale en rien celle d’artistes emblématiques comme Warhol, Hockney ou Lichtenstein, Tom Wesselmann n’en reste pas moins une des icônes incontournables du Pop Art. Sans surprise, ce sont ses nus, figures récurrentes de tout son oeuvre qui nous ont tapé dans l’oeil. Attention, couleurs !
Par Thierry Richard
Étonnant personnage que Tom Wesselmann, artiste prolixe mais peu identifié du grand public, accessible mais mystérieux, dont aucune oeuvre n’est visible à Paris (il vous faudra prendre le train pour Grenoble ou Saint Etienne). Né dans les années 30 à Cincinnati, diplômé de psychologie et auteur de chansons country, il débutera sa carrière après des études d’art à New-York, dans les années 60, en se portant délibérément vers la peinture figurative à une époque où l’abstrait règne encore en maître dans les galeries.
Deux thèmes majeurs orienteront la quasi-totalité de sa production artistique : l’érotisme (Great American Nudes) et les natures mortes (Still Lifes), déployant une forme de Pop Art vibrant de couleurs franches et très ancré dans la culture de masse et la publicité de l’époque.
Dans cette production foisonnante, très West Coast, on aime tout particulièrement ses compositions de nus stylisés en quelques traits colorés, découpés dans de l’acier, que l’on accroche sur un mur blanc faisant alors office de toile. Une technique dont il fut le précurseur dès le début des années 80.
Bien qu’ayant vécu et travaillé à New-York toute sa vie (il meurt en 2004 à l’âge de 73 ans), les toiles et découpages de Wesselmann évoquent imparablement des paysages ensoleillés, des villas de Palm Spring aux piscines translucides, de la chaleur et de grands espaces.
Il faut dire que sa vision du corps féminin, magnifié tout au long de sa carrière, interpelle. Visages réduits à une chevelure et une bouche provoquante, seins conquérants, courbes des hanches soulignées, voilà le corps réduit à ce que le regard explore, à ses priorités sensuelles, attributs du désir.
Les décors où se lovent ces corps frisent le banal : une chambre, un lit, une baignoire… Mais les aplats de couleurs leur confèrent une fraîcheur et un naturel confondant. Chez Wesselmann le sexe est joyeux, clair, sans complexes ni tabous.
A l’image de ces sexes offerts à la vue sans gêne, ces toisons revendiquées, ces jambes ouvertes sans arrière-pensées. On ne sent jamais dans les compositions de Wesselmann la moindre vapeur glauque, l’ambiguité, la perversion ou le malaise. Au contraire. Une vision du sexe solaire, renforcée par l’usage exclusif des couleurs franches et vives.
C’est sans doute ce qui, chez nous, suscite autant le trouble que le plaisir.
T.R.