Gastronomie

Pierre Gagnaire en version Dolce Vita chez Piero TT

25 MARS . 2019

Du chef triple-étoilé Pierre Gagnaire on connaît les passions pour le jazz et l’art contemporain. Sans doute moins celle qui l’anime pour la cuisine italienne, à moins d’avoir pris le téléphérique pour Courchevel et de s’être attablé aux Airelles chez Piero TT, la table d’inspiration transalpine du chef stéphanois. Son homologue parisienne ayant tout juste ouvert ses portes, on a voulu voir de quoi il retournait. Andiamo per la visita !

Par Thierry Richard
(Texte et photographies)

C’est dans ce qui fut jadis le repaire marin de Gaya (transféré non loin dans l’ex-Ferme Saint Simon), que se dressent aujourd’hui les tables de ce Piero TT, mi-bistrot mi-trattoria, comme un hommage avec accent de Pierre Gagnaire à la cuisine italienne.

Y pénétrer, c’est changer d’univers. Tables opalescentes de marbre de Carrare, boiseries sombres, bar aux suspensions 1930 et percolateur sixties, photographies noir & blanc, murs tendres et plancher à damier peint aux couleurs de terre battue, bibliothèque en versione originale : c’est une Italie rustique, sûre de ses traditions, qui s’offre au regard. L’architecte Richard Lafond a bien fait les choses et recréé un décor chaleureux et dépaysant que l’on imagine aussi bien dans les faubourgs de Florence qu’au détour d’une rue new-yorkaise de Little Italy.

Un décor aussi dépaysant que l’accent qui ici chante de table en table, colporté par une équipe à 90% italienne oscillant entre Naples et Sicile. C’est d’ailleurs à un natif de l’île méditerranéenne que Pierre Gagnaire a confié la responsabilité des fourneaux. Le chef Ivan Ferrara y déploie une cuisine aux racines profondes mais à l’exécution contemporaine et finement réajustée.

Une belle carte de ristorante, qui au-delà des incontournables pâtes et risottos, fait la part belle aux déclinaisons de carpaccios (crudo), aux antipastis appétissants et à une courte sélections de viandes et poissons, le tout accompagné d’une carte de vins de la péninsule de haute volée.

Les amuse-bouches croquants et croustillants, aux reflets d’olives vertes, et l’huile d’olive profondément ardente servie comme une remise à zéro du palais font le job du voyage immobile. Nous voilà transportés quelque part sous le soleil et les arts renaissants d’une Italie de rêve.

La suite ne dément pas : la “Sériole, huile d’olive Primolio, fenouil et pepe bucato au sésame noir” est d’une texture parfaite et d’une fraîcheur parfumée impeccable. La “Friture, piste, petites crevettes, oignons, kale, moutarde de Crémone cuisinée” se déguste comme une friandise, un caprice croustillant et savoureux tout juste adouci par la moutarde de Crémone, mélangeant saveurs fruitières et pointes épicées.

Les “Gnocchi, crème d’épinard, jambon de Parme” sont d’une beauté à couper le souffle et d’un bel équilibre (peut-être un poil trop fondants). Les “Cappelletti, dans un bouillon de volaille truffé” jouent le va-et-vient entre le terroir profond et les saveurs franches de la farce et la délicatesse enivrante de la truffe généreuse.

On conclut sur un “Tiramisù” (what else ?), servi dans un bol de marbre (mention spéciale aux arts de la table) qui, s’il ne déclenche pas d’extase, est bien mieux qu’honorable ; une véritable douceur.

Voilà donc une adresse à noter précieusement, un peu chère peut-être mais c’est toujours le cas des belles italiennes à Paris. Et celle-ci ne manque pas d’atouts pour nous faire revenir. Bravo Piero ! Ci vediamo presto !

T.R.