Gastronomie
Rooster, le coq marseillais de Frédéric Duca à l’assaut de Paris
01 AVRIL . 2019
Bon, et si pour une fois on commençait par la fin ? On avait découvert et grandement apprécié la cuisine raffinée et voluptueuse de Frédéric Duca à l’Instant d’Or il y a quelques années. Après avoir taillé la route quelques temps à New York, le chef revient à Paris et pose ses casseroles chez lui, chez Rooster, dans un petit restaurant dont on peut vous prédire tout net qu’il file droit vers sa première étoile. Emotion.
Thierry Richard
(Textes et photographies)
C’est un plan un peu biscornu, placé à un coin de rue de ce XVIIème en pleine révolution immobilière qu’est le Pont Cardinet ; un L où une salle nue aux dimensions modestes prolonge un bar de marbre blanc que couronnent des suspensions opalescentes, emmanchées de laiton. La cuisine ouverte sur une belle table d’hôte de bois campagnard joue, elle aussi les petits pas, quelques mètres carrés en tout et pour tout.
La décoration de Rooster affiche une séduction sereine et naturelle (sièges de cuir, armoire de ferme, bouquets de fleurs fraîches, bois et céramique) à l’image de ces jeunes filles candides aux chapeaux de paille, floutées dans les vieux films de David Hamilton.
C’est donc ici que le chef marseillais Frédéric Duca a décidé de reprendre langue avec une vie parisienne qu’il avait délaissée il y a quatre ans pour prendre l’air de New York. Passé sous les salamandres d’Hélène Darroze, de Gérald Passédat et du Taillevent, cet ancien étoilé (un macaron en 2013 à l’Instant d’Or) de grand talent, développe une cuisine précise, inventive, ne perdant jamais le produit de vue, puisant ses inspirations ensoleillées au sud et racontant les saisons, les parfums de garrigue, les saveurs marines de bord de mer.
C’est ce talent intact que nous avons retrouvé avec bonheur chez Rooster.
Première chose, quel que soit votre choix, ne passez pas, en amuse-bouche, préambule pagnolesque à vos futurs plaisirs, à côté des “Panisses”, servis comme à Marseille, croustillants et fondants, à la saveur tiède et suave de pois chiche que percutent les saveurs simples et franches de sel et poivre. Un must à l’exécution parfaite.
Tout le reste est à l’avenant de cette première note magistrale donnant le “la”. Le “Maquereau façon tataki, mousseline de céleri, copeaux de poutargue”, servi tendre et froid, aux pointes légèrement acidulées de citron caviar, vinaigrette céleri et pomme verte, pousses de moutarde, les “Asperges du Domaine de Roques-Hautes, ail des ours, escargots, parmesan”, où la verdeur cinglante d’asperges croquantes joue les coquettes avec des escargots alanguis sur un crumble de parmesan aux zestes d’orange (c’est tout le printemps toscan qui débarque dans l’assiette) ou les “Tagliatelles fraîches, lapin / seiche”, cuites al dente d’une belle fermeté, aux saveurs conjugués sans discorde d’épaules de lapin mijotées 5 heures et effilochées, et des seiches snackées, tout juste décorées de quelques fleurs de riquette et parfumées d’origan et de fenouil sauvage.
Le “Citron” en dessert n’est pas en reste (crème citron, meringue citron vert, sablé anis, sorbet huile d’olive) et se révèle d’une fraîcheur et d’une générosité imparables, une crème au comble du crémeux, un citron délicatement parfumé et de belle acidité, un peu de croquant anisé et une douce langueur huilée qui évoque les nuits d’été en hamac sous les citronniers de Menton.
Quelle belle ouvrage ! La prochaine fois, on reviendra avec un complice bienveillant et solide pour se régaler du “Cochon de lait” (servi uniquement pour deux), pommes grenaille, choux de Bruxelles, condiment romarin/anchois/vinaigre. Tout un programme, non ?
Bref, inutile d’en dire plus. Ce Rooster là a de quoi être fier. Et nous ravis d’y être traités comme coqs en pâte.
T.R.
Rooster
137 rue Cardinet
75017 Paris
Téléphone : 01 45 79 91 48
Fermé samedi et dimanche
Menus déjeuner à 26€ et 32 €
Menu dégustation à 68 €
A la carte, compter autour de 60 €
Métro : Wagram – Malesherbes – Brochant