Gastronomie
Le bonheur se déguste au vol au Café des Ministères
06 MAI . 2019
Changement de propriétaire. Une mention qui fleure bon sa France du petit commerce, des reprises aux manches retroussées, l’espoir de nouvelles ambitions. Mais quand les moyens manquent, on se retrouve souvent à soigner la cuisine avant le mobilier. Ce qui n’est pas pour nous déplaire. Illustration par l’exemple au Café des Ministères.
Par Thierry Richard
(Texte et photographies)
Depuis quelques mois à peine, sans tambours ni trompettes, le Café des Ministères, repris par Jean et Roxane Sevegnes, fait le bonheur des seuls aventureux qui ne se laissent pas berner par le décor un peu froid hérité du précédent propriétaire qui avait fait de ce bistrot proche du Palais Bourbon une halte marine.
Il faut dire que l’adresse n’a rien pour séduire les foodistas : pas de chef étranger, pas de tête d’affiche étoilée, pas de décor brutal instagrammable et pas un bobo à bonnet et tatouages assis au comptoir (pourtant pourvu d’un très beau zinc made in Paris). Au contraire : pousser la porte du Café des Ministères s’est oser poser son appétit dans un lieu où le décor vous fait frissonner le dos (banquettes bleues, rideaux métalliques, éclaté de crabe royal et fresque noir et blanc) avant que l’assiette ne viennent réchauffer l’atmosphère. Et tout emporter.
Car c’est peu dire que ce chef a du talent. Passé par Ducasse, Eléna, Pacaud, Darroze, son CV en a sous le chaudron. Enfin chez lui, le voilà désormais rendu, avec une technique impeccable, à ses amours premières d’une cuisine très française où l’on ne mégote ni sur la qualité des produits, ni sur un bon vieux fond de sauce. Le cochon est forcément de Bigorre, le saumon français du seul élevage en pleine mer situé à Cherbourg et l’on trouve du bio à tous les étages.
En guise d’amuse bouche, on sonne le rappel d’un saucisson au Porc noir de Bigorre, un cochon de luxe, habitué des grands espaces et des goûts francs et puissants que l’on retrouvera ensuite, à la carte, sous la forme appétissante d’une belle côte signée Pierre Matayron, généreuse en diable et d’une belle tendreté.
Trois entrées se partagent la courte carte et les trois nous ont rempli d’aise. Les “Escargots de la Drôme bio, moelle de boeuf, champignons de Paris, sauce bordelaise” joliment régressifs et gourmands, les très de saison “Asperges blanches bio du Val de Loire, sauce maltaise aux agrumes de chez Bachès” exceptionnelles de fraîcheur et, dans une présentation aguicheuse le “Boeuf de Pâques race Aubrac en tartare, condiment câpres et cornichons, radis” à la mâche parfaite et au délicat assaisonnement de moutarde à l’ancienne.
Suivront le “Saumon français, petit pois “bonne femme”, carottes” parfaitement cuit, avec des petits pois d’un vert cinglant, les premiers de la saison, qui vous donnent l’impression jouissive de croquer – enfin – le Printemps et la fameuse “Côte de cochon de Pierre Matayron, pommes grenailles et morilles” qu’on vous présente entière avant de la découper.
Mais le must du jour restera dans nos mémoires le “Vol au vent, volaille fermière, ris de veau, asperges vertes et morilles” : présenté en majesté, nappé d’un jus crémé onctueux et délicat, au feuilleté encore croquant et pas étouffant, mixant duxelle de champignons, suprêmes de volaille fermière et hauts de cuisse confits, il rend hommage du bout de ses ris de veau et morilles à cette cuisine française bourgeoise que l’on aime tant retrouver de temps en temps au bout de notre fourchette. C’est généreux, savoureux, rustique et raffiné : tout ce que l’on aime !
En note sucrée la “Pavlova fraise et rhubarbe, glace vanille” joue les coquettes quand la “Mousse au chocolat Caraïbe, caramel au beurre salé” surprend (en bien) par sa texture dense et son goût profond.
Madame assure le service en salle avec une gentillesse désarmante. On regrettera juste la présence trop soutenue de suppléments au menu, compréhensibles au vu de la qualité irréprochable des produits proposés mais faisant assez vite grimper l’addition des affamés. Mais soyons clair, c’est bien peu de choses face au bonheur d’un tel repas !
Jean Sevegnes. Retenez bien ce nom. Et n’attendez pas qu’ils aient changé les rideaux pour filer dare dare vous régaler au Café des Ministères. Vous m’en direz des nouvelles.
T.R.
Café des Ministères
83 rue de l’Université
75007 Paris
Téléphone : 01 47 05 43 62
Fermé le samedi et le dimanche
Menus déjeuner (à l’ardoise) : 25 € et 29 €
Menus-carte : 33 €, 36 €, 42 €
Métro : Assemblée Nationale