Instant Hardi
Instant Grand Duc : Le style 70, le tendre poulet et le prof de grec
14 MAI . 2019
La comédie-policière, le must du cinéma français des années 70. Souvent incarné par de grands acteurs, dialogué par le maître Audiard, réalisé par De Broca ou Lautner, ce cinéma populaire se déguste sans fin tant la corde nostalgique nous titille. Retour tout en style sur une madeleine du cinéma en deux actes emmené par le couple truculent Girardot-Noiret.
Par Guillaume Cadot
L’histoire
Les péripéties en deux volets de la commissaire de police survoltée Lise Tanquerelle (Annie Girardot) et d’un vieux célibataire professeur de grec, Antoine Lemercier (Philippe Noiret), à Paris d’abord, lieu de leur rencontre, puis en Grèce pendant leur voyage de noces.
On aime
Le genre de comédie policière comme on n’en fait plus… Elle est signée De Broca, avec Audiard aux dialogues et Delerue pour la musique. Elle respire bon les années 1970 dans un Paris que nous regardons avec nostalgie (de Broca aime sa ville et ça se sent), et les îles grecques sans le tourisme de masse…
Le premier opus Tendre Poulet nous rappelle que l’administration française roulait en Renault ; la police en R14 et R17 break, les ministres en 6 cylindres R30 ! On cassait la croûte dans des bistrots, on parlait culture, on s’habillait chez Renoma, on s’arrêtait pour trouver un téléphone, on lisait le journal dans le train Corail de 13h54 pour aller à Honfleur (avec un changement à Pont-Audemer), les étudiants en t-shirt Snoopy chargeaient les CRS, les concierges avaient pignon sur rue…
Certains pourraient qualifier ces deux films de nanars : on leur accorde sur le plan de l’intrigue policière. Mais sur celui de la comédie romantique, sûrement pas ! Si le premier film, Tendre Poulet, dépasse largement le second (On a volé la cuisse de Jupiter) pour ce qui est du récit, les deux se regardent avec plaisir tant le duo Girardot-Noiret fonctionne à merveille. Les regards, les mots (Audiard joue sur la corde nostalgique, moins de gouaille), les gestes de ce couple (déjà ensemble dans le film La Vieille Fille) sont pleins de bienveillance et de sérénité aspirant à une vie simple… On boit du petit lait.
Et question style, on est servis ! Trois grands univers se détachent ; les flics et le commissaire Tanquerelle, Catherine Alric et ses “tontons” et bien sûr Philippe Noiret. Son personnage de grand bourru à la barbe taillée comme un dieu grec, sa vie de vieux garçon cultivé et son allure débonnaire chic lui collent à merveille !
Qu’il chevauche un Solex en veste de tweed feuille morte et pantalon en whipcord caramel, parte pour Honfleur en costume de Seersucker rayé bleu et blanc et polo Lacoste marine, qu’il épouse Lise Tanquerelle dans un classique costume gris moyen, cravate sombre à motifs discrets et gilet crème, ou bien s’envole pour la Grèce en costume trois pièces Prince de Galles, qu’il visite les vestiges de la civilisation grecque en short colonial avec chaussettes hautes, dîne en costume bleu pâle avec son bleuet à la boutonnière et foulard à pois chaussé de charentaises, qu’il se lève dans une magnifique tunique rouge à pois blanc ou encore visite le monastère de Saint-Antoine habillé en pope orthodoxe, Noiret ne joue pas : il est lui-même ! Sans oublier, bien sûr, la tenue principale d’On a volé la cuisse de Jupiter : un costume en lin blanc cassé, chemise bleu ciel et cravate club rouge et vert, le tout coiffé d’un Panama Montechristi (celui qu’on peut rouler).
Ah Catherine Alric… Ceux de moins de 40 ans ne peuvent pas comprendre. Moins connue que Mireille Darc, moins star que Catherine Deneuve, elle fait partie des “blondes” du cinéma populaire français des années 70-80. Avec son jolie minois, son corps longiligne et son air innocent, elle aura toujours été cantonnée à des rôles à moitié nue de fille facile à l’érotisme débridé. Dans Tendre Poulet c’est la mignonne “petite nièce” entretenue par “ses tontons”. Son style très “couverture de Lui” est résolument sport : en témoignent l’ensemble de tenniswoman Lacoste en blanc avec bob assorti, et pour visiter la Grèce, son marcel blanc, bob blanc, jean délavé taille haute et baskets de plage… Sans oublier l’improbable sortie de bain – dont on cherche encore l’utilité, tant le tissu éponge s’y fait rare.
Les flics, eux, sont habillés comme des flics : costard-cravate et imper toujours mouillé. Ils donnent du “patron” quand arrive le commissaire Tanquerelle, habillé en tailleur jupe, bas et porte-jarretelles, corsage avec sa lavallière et flingue en bandoulière. Très Brigade Mondaine… Quant à l’autre commissaire, Berretti (Guy Marchand), il joue le playboy macho, porte une chemise de la police de Dallas et des Ray-Ban aviator doré…
Mention spéciale au directeur de la PJ, technocrate faux-derche à la botte du Ministre, campé admirablement par Raymond Gérôme grand habitué des rôles de super-flic mondain, qui n’est pas du même monde ! Il s’habille sur-mesure, avec son tailleur qui vient faire un essayage à son bureau. Un autre monde, on vous dit…
On retient quoi ?
Le costume en seersucker s’impose aux beaux jours. Le traditionnel rayé bleu et blanc, mais pourquoi pas d’autres couleurs comme celui rayé beige que porte Noiret dans le second opus ? Choisissez-le non doublé, l’air circulera encore mieux entre vous et le tissu. Aux pieds, portez des Converse basse blanches, des Superga bleu marine ou des espadrilles. Ca tombe bien, on en a parlé il y a peu de temps…
Porter un bob cet été. Absolument ! La protection est parfaite même (surtout) en cas de pluie. On aime le côté désuet du buklet hat que votre femme pourra vous emprunter facilement. Oui, oui… Regardez Catherine Alric avec un bob, vous comprendrez !
On ressort le cardigan, la pièce du vestiaire masculin rangée sur l’étagère des Seniors ! Sauf si vous le portez complètement déboutonné sur un (bon) t-shirt blanc, comme Guy Marchand dans Tendre Poulet (et l’Hôtel de la Plage). Vous verrez, votre ado vous dira “papa t’es stylé comme ça.” Vous en cherchez un top ? Commandez-le chez Alan Pane, sinon filez chez Uniqlo.
G.C.