Gastronomie
Les enfants du marché ? Orientés à la hausse !
03 JUIN . 2019
Le Marché des Enfants Rouges, au coeur du Marais, est dans doute devenu l’un des “food courts” les plus en vue de la capitale, drainant son lot de touristes fortunés désireux de vivre au plus près la vie gastronomique parisienne et de foodies en mal de sensations fortes. C’est là-bas que se cache l’une des plus belles cuisines de rue qui n’en est pas une, aux Enfants du Marché. On s’y est posé sur un tabouret. Attention, black card required !
Par Thierry Richard (texte et photographies)
Difficile après un déjeuner aux Enfants du Marché de faire la part des choses entre le snobisme forcené d’une adresse qui circule entre gens bien informés (“le chef japonais qui cuisine là-bas est vraiment exceptionnel, vas-y !”) et la qualité des assiettes dégustées sur un coin de comptoir, en tout point exceptionnelles.
Vous avez dit “cuisine de rue” ? En quelque sorte. Il faut traverser le marché pour découvrir l’emplacement de ces enfants pas si sages et espérer y grapiller une place au comptoir ou sur l’une des deux tables de 6 arrimées aux vitrines réfrigérantes. Des ardoises pendent du plafond avec des intitulés annonciateurs de belles agapes mais déjà les chiffres griffonnés à la craie vous font croiser les doigts en espérant une cuisine d’exception dans ce lieu incongru. 26 € pour un “Ceviche de Maigre” (fut-il ikejime), 26 € les “Asperges vertes, crème de parmesan”, 34 € le “Gigot d’agneau rôti aux herbes”, 46 € le “Turbot de ligne, beurre clarifié”…
En se tortillant sur votre tabouret haut, accoudé à 30 cm de bois peint, vous priez de ne pas vous être trompé. Arrivent alors les plats, servis avec une décontraction très est-parisienne, du chef Masahide Ikuta. Et là, c’est le bonheur. On commence en petites foulées avec des “Bulots mayo” légèrement épicés et accompagnés d’une mayonnaise à l’encre de seiche. Frais et pimpants. Puis un “Poulpe de Galice, piquillos, chimichurri” incontournable des tables parisiennes, généreux, parfaitement cuit et assaisonné, dans une composition picturale aux rouges et verts claquants.
Et parce qu’on ne fait rien comme tout le monde, et pour vérifier le savoir-faire tant loué du boss des cuisines, arrive le plat le plus cher de la carte un “Pithiviers de canard et foie gras” (46 € tout de même). Quitte à être snob sur un marché, autant s’envoyer un plat de palace ! Celui-ci est fort bien exécuté, mêlant canard sauvage, farce de lapin de garenne, foie gras, pousses de petit pois, espuma de pommes de terre et pommes de terre de l’Ile de Ré. Un poil sec, la pâte est goûteuse et sa farce a du caractère. Son arme secrète : un jus de viande réduit en quasi-sirop diabolique ! Bien joué.
Pour faire bonne mesure deux desserts en grand écart : la très (trop) sucrée “Tarte au miel d’acacia” et un très léger “Fontainebleau aux fraises gariguette” de belle fraîcheur.
Alors oui, on est sur un stand de marché, on déjeune au coude à coude, les assiettes sont ébréchées et le service un peu lent (cela se comprend quand on s’attaque à des plats dont la confection et la mise en place requièrent un réel savoir-faire et un peu de temps) mais Masahide Ikuta a un sacré talent ! Un talent qu’on aimerait tout de même voir un jour s’exprimer de manière un peu plus confortable.
Un chouette moment donc mais atténué par un l’arrière-goût d’amertume d’une addition XXL un peu injustifée. Et une question persistante : déjeuner au marché en plein mois de juin c’est cool mais une table de ce calibre pourra-t-elle passer un nouvel hiver ?
T. R.
Les enfants du marché
39 rue de Bretagne
75003 Paris
Téléphone : 01 40 24 01 43
Fermé le lundi
Déjeuner du mardi au dimanche
Dîner du jeudi au samedi
A la carte, compter entre 60 € et 70 €
Métro : Filles du Calvaire