Eros
Le Cal Pirelli : une odyssée du Nu
13 JUIN . 2019
On ne présente plus le fameux éphéméride longtemps prisé des garagistes et des routiers ! Surtout qu’il est devenu un collector que les amateurs de photo du monde entier s’arrachent… Retour sur le mythique calendrier Pirelli, à l’occasion de l’annonce de son édition 2020, photographiée par Paolo Roversi.
Par Aymeric Mantoux
L’intensité des clichés de Paolo Roversi, le photographe de mode italien qu’on ne présente plus, tient à de longs temps d’exposition, au dialogue qu’il parvient à installer avec son sujet – le plus souvent ses modèles-. L’émotion, la sensualité qui se dégagent de ses images, avec parfois une pointe de mysticisme ou de mystère, évoquent l’étoffe des rêves. Ses photos de femmes, gracieuses et fragiles ont permis à Paolo Reversi de photographier les plus grandes stars et les plus beaux mannequins, attirées par sa sensibilité.
Les éclairages subtils, nuancés, évoquent pour certains les mosaïques romaines de Ravenne, la ville où Roversi est né. “Pour moi, explique le photographe dans un communiqué, la photographie n’est pas une simple reproduction de la réalité, mais une révélation, parce que lorsque je photographie, j’ai l’impression d’atteindre une autre vie, un autre monde”. Aussi, sa vision du calendrier Pirelli 2020, qui succède à Albert Watson pour 2019, est plus proche de celle d’un esthète que d’un voyeur, ce qui a souvent été la marque de fabrique de la publication Pirelli.
Le calendrier Pirelli est en effet à l’érotisme ce que le catalogue La Redoute a longtemps été aux premiers émois des jeunes garçons. Publié en édition limitée, remis à des clients de la marque et à quelques stars, il devient rapidement un objet culte.
Depuis 55 ans, 46 calendriers ont été réalisés par 36 photographes parmi les plus connus et reconnus : Harri Peccinotti, Richard Avedon, Bruce Weber, Herb Ritts, Annie Leibovitz ou encore Sarah Moon. A chaque fois la direction artistique est repensée, et inspire longtemps de nombreux photographes (façon photos volées en 69 avec Peccinotti, série Dieux de l’Olympe par Karl Lagerfeld, clichés absolument torrides par Giacobetti en 1970…). De quoi insuffler du glamour à une marque… de pneus !
Le premier calendrier a été shooté par Robert Freeman en 1964 à Majorque avec comme égéries Jane Lumb, Sonny Freeman Drane et Marisa Forsyth. Rapidement, ces filles dénudées dans des positions plus que suggestives, parfois osées et souvent intégralement nues, suscitent l’engouement des mâles de toute la planète. Surtout que les femmes sont choisies : Cindy Crawford, Naomi Campbell, Sienna Miller, Gisele Bundchen, Kate Moss, Laetitia Casta font du “Cal” un véritable hommage à la beauté féminine.
Et régulièrement, le calendrier fait le buzz : édition 98 avec des hommes, inédit d’Helmut Newton de 1986 pour l’édition 2014, Adriana Lima enceinte pour 2013, girls next door et puissantes pour l’édition Annie Leibovitz… voilà comment on forge une légende de la photo longtemps conçue par des hommes pour les hommes.
Passer en revue cette histoire, c’est comme remonter un temps disparu, observer le reflet d’une époque. Comme ces clichés d’Uwe Ommer en 1984 où les femmes sont couvertes de traces de pneus. Parfois taxé d’objet vulgaire et misogyne, le calendrier aura en tout cas suivi les modes : porno chic, flou hamiltonien, machisme agressif, tendance sado-maso, humour… avec ou sans bon accueil.
Une chose est sûre, c’est un pan de l’histoire de la photo de mode qui s’écrit chaque année avec le calendrier Pirelli. Tantôt d’une beauté froide ou incandescente, sexy ou élégants, parfois les deux, les séries de clichés finissent par toucher les deux sexes. Le côté femme-objet est vite dépassé, d’abord parce que Pirelli a dès le début des années 1970 confié à des femmes le soin de réaliser le calendrier, et ensuite parce que, quoique publicitaires, leur intention est toujours d’être spectaculaires. Et c’est souvent réussi.
A.M.