Bateau
Quand Riva faisait sauter le Rocher
18 JUILLET . 2019
Il y a soixante ans, Carlo Riva obtenait un privilège rare : celui de dynamiter le rocher monégasque, avec la bénédiction du prince Rainier. L’objet du délit : un tunnel pour entreposer au sec les précieuses embarcations en acajou.
Par Bertrand Waldbillig
1959. Le jeune Carlo (37 ans) crée Monaco Boat Service, qui deviendra rapidement l’une des plus importantes concessions Riva en Méditerranée. Si le chantier naval dont il a hérité est déjà plus que centenaire, il connaît un succès retentissant depuis quelques années ans avec ses puissants bateaux de plaisance dont la jet set s’est largement entichée.
Brigitte Bardot, Richard Burton, Sophia Loren, Aristote Onassis, Peter Sellers et bien sûr le Prince Rainier lui-même ont jeté leur dévolu sur le Sebino (1952), le Florida (1952), le Tritone (1953), l’Ariston (1953), et bientôt l’Aquarama (1962), le plus célèbre de tous.
Pour tout ce beau monde, Carlo Riva créé le premier ponton du port monégasque, où s’alignent aux beaux jours les coques en acajou bardées de chromes étincelants. Précieux et sophistiqués, les Riva nécessitent un entretien au cordeau, assuré par Monaco Boat Service et sa soixantaine d’ouvriers.
Hors de question également de les laisser clapoter tout l’hiver dans l’eau salée. Pour Carlo Riva, la seule solution serait de les laisser hiberner dans un tunnel creusé directement dans le rocher monégasque, quelques dizaines de mètres sous le palais princier.
Rainier se laisse convaincre sans trop de difficulté et le chantier –titanesque- s’engage. Il aurait coûté, selon la légende, quelques fenêtres au palais. Deux ans plus tard est inauguré un tunnel de 100 mètres de long et 12 de haut où sont conservés à température et humidité constantes, jusqu’à 200 bateaux, alignés sur deux niveaux tels de grands millésimes de bordeaux…
Presque six décennies plus tard, la vocation de ce lieu devenu emblématique n’a pas changé. A l’exception près que les 80 bateaux qui y sont entreposés une bonne partie de l’année sont devenus des pièces de collection à plusieurs centaines de milliers d’euros pièce !
Si Carlo Riva a vendu son entreprise -paraît-il sur un coup de tête- dans les années 1970, la commercialisation et les services sont restés depuis dans le giron familial. Présidente de Monaco Boat Service, sa fille Lia concessionnaire exclusive pour la France et Monaco, avec des showrooms à Cannes, Saint-Tropez et dans la principauté.
De son bureau, elle peut voir cohabiter sur le port de Monaco les Aquarama en acajou et les Riva contemporains en polyester. Pour les premiers, un atelier situé au premier étage de la concession permet d’assurer la maintenance et les petites réparations (les restaurations de plus grande envergure sont quant à elles menées dans un hangar spécial du chantier naval de Sarnico, sur les rives du lac d’Iseo). Au rez-de-chaussée, une boutique distribue les produits dérivés, dont une ligne de mobilier en bois précieux inspirée de l’Aquarama.
Carlo Riva a définitivement largué les amarres il y a deux ans, à plus de 90 ans. Le tunnel qui porte désormais son nom témoigne d’une autre facette de son génie. Celui d’un homme audacieux qui révolutionna l’élégance en mer.
B.W.