Culture
Ben, Combas et Parant, les papas de l’art contemporain à Anglet
13 SEPTEMBRE . 2019
Ben, Combas et Parant sont tous trois des monuments de l’esprit français. Truculents, bon vivants et d’une agilité intellectuelle étonnante, ces Grands Ducs de l’art se sont embarqués dans une aventure à 6 mains historique à Anglet.
Par Thibaut Mortier
« Dans 50 ans, nous serons remplacés par des femmes, rit Robert Combas en s’adressant à ses deux compères. Le prochain Parant sera une femme, le Ben du XXIe siècle aussi… les pauvres ! » A 83 ans, Ben, papa de la Figuration libre, est déjà une figure tutélaire de l’art contemporain, grand provocateur devant l’éternel. Combas, notre nouveau Picasso, obtient des prix jamais atteints encore en vente pour ses œuvres, et son travail continue de s’enrichir de très belles toiles récentes, et d’une série de bois flottés qui empruntent autant à l’Arte Povera qu’au mouvement Support/Surfaces, se réinventant à l’infini. Jean-Claude Parant, lui avec ses sculptures, ses installations de boules et ses textes brillants, est une sorte d’Henri Michaux, comme l’avait déjà écrit Arnaud Robe-Lajoie, bien équilibré sur ses deux jambes artistiques.
Autant dire qu’une exposition d’un seul de ces grands messieurs aurait valu le déplacement à Anglet. Mais l’idée initiale de Lydia Scappini, la commissaire de l’exposition, de réitérer une exposition commune entre Ben et Combas, est véritablement devenue géniale lorsque celui-ci a suggéré d’y convier également Parant, dont il est très proche.
Le résultat, qui se déploie dans deux bâtiments de la ville d’Anglet, la galerie Pompidou et la villa XX, est une rare collaboration artistique entre trois artistes majeurs qui sont amis depuis quarante ans, se sont acheté des œuvres au fil des ans et en ont réalisé ensemble, comme le prouve cet urinoir d’hopital reviisté par Ben et Combas en 1989.
Mais l’essentiel de l’accrochage consiste en une série d’œuvres nouvelles, crées uniquement pour cette exposition : des papiers créés à deux mains entre Combas et recouverts d’écritures de Parant, des boules de ce dernier en cire cosignées par Ben, des sculptures anthropomorphes à 6 mains réalisées à partir de pièges à poulpes sétois… Il a fallu plus de six mois et plusieurs rencontres de nos « vieux pinceaux » pour aboutir à cet ensemble cohérent, puissant, gorgé de mots et de « je ». Sage, sans doute trop, le fil rouge de l’exposition d’Anglet ne se cantonne pas à des œuvres cosignées. Robert Combas a par exemple réalisé trois grandes toiles sur place, dont l’une a été retenue pour l’affiche, et son épouse, Geneviève, est l’auteur d’un film intime sur cette collaboration unique.
Demeurent en effet des échanges autour de la place de l’artiste individuel dans une exposition collective, de leurs rapports, de leurs dominations ou de leurs frustrations. Jeux d’ego, jeu de go, nos trois intellectuels s’en sortent avec des pirouettes et de bons calembours plutôt que des jeux de mots laids. Avec poésie aussi, car ces grands enfants qui s’aiment et se respectent sont avant tout de vrais révolutionnaires et des rêveurs. C’est sans doute le principal enseignement de cette exposition jouissive, ludique, et unique en son genre. A voir absolument.
T.M