Gastronomie
Solstice : la clarté paisible d’Eric Trochon
21 OCTOBRE . 2019
Il faut une sacré dose de courage pour venir planter sa tente gastronomique dans un quartier si peu doté en tables de talent, en lisière d’une avenue à haute circulation. C’est pourtant ici, dans ce coin découvert du Vème arrondissement, que le chef Eric Trochon (Semilla) et sa femme coréenne Mi-Jin Ryu ont décidé d’ouvrir leur Solstice, une table aux belles ambitions dont nous sommes tombés raide dingues. Attention, coup de foudre !
Par Thierry Richard
(Textes et photographies)
Ce “Solstice” écrit en tout petit et à peine visible sur la devanture est symbolique. Il matérialise la discrétion et l’humilité d’un chef pourtant MOF (Meilleur Ouvrier de France 2011) qui préfère oeuvrer dans l’ombre, avec modestie plutôt que de courir les plateaux télé.
Une petite cuisine exigüe où l’on tient à peine à 4 s’ouvre comme une fenêtre sur une salle de belle ampleur, baignée de lumière, parsemée de tables aux nappes blanches faisant rutiler leur argenterie à l’ombre des tableaux contemporains de Yoo Tae Kun. C’est beau, calme et tout empreint d’une sérénité apaisante. Notre conseil rituel sera, une fois encore, si vous le pouvez, de réserver votre place au bar de bois brut, avec vue sur la cuisine où vous ne perdrez rien du dressage des assiettes effectué sous votre nez. Une sorte de communion parfaite.
Parquet ciré, pierres apparentes, chaises aux courbes naturelles et teintes douces entre beige et blanc, tout ici respire ce chic discret que l’on aime aussi dans la cuisine d’Eric Trochon. Magnifique technicien, créatif subtil, il sait comme personne marier les influences dans un profond respect de la tradition. Démonstration en un déjeuner mémorable.
Deux entrées se partagent la vedette ce jour-là. Une “Crème de maïs, beurre de miso, noix de muscade” dans l’esprit d’un velouté chaud, crémeux et réconfortant et une “Truite Banka, pickles de betterave, condiment acidulé” toute en fraîcheur, marinée et d’une tendreté extrême, tout juste relevée d’un peu de ricotta maison, de fenouil et de basilic acidulé.
Puis la composition éclatante d’un “Cabillaud confit, carottes plurielles, condiment citron, géranium”, où le poisson à la cuisson parfaite joue les précieuses au milieu de carottes colorées aux textures variées, comme un lit confortable Second Empire.
Et le plat le plus bluffant de ce défilé, une “Blanquette de veau, orge perlée, pousses d’épinard” où l’amateur infini de blanquette que je suis s’est laissé emporter par le bonheur d’une version plus légère (pas de riz mais de l’orge perlée) et très légèrement acidulée avec un traitement aux pousses d’épinard d’une incomparable finesse. Savoureux, étonnant et gourmand à la fois dans un parfait équilibre.
Desserts à l’image de l’ensemble, délicats et légers comme la “Mandarine satsuma, sorbet mandarine amandes, mousse légère” aérienne et la “Papillotte de pomme verte, yuzu et glace yaourt-yuzu”, mêlant cru et cuit dans une jolie composition de saison.
Un régal ! Mention spéciale pour le service d’une courtoisie et d’une érudition exemplaires et pour le Sancerre blanc du Domaine Crochet, servi frissonnant comme on aime.
Vous l’avez compris, il y a ici une véritable pépite qui mérite bien de traverser tout Paris. Solstice est sans aucun doute, pour nous, une étape essentielle dans le parcours singulier d’un cuisinier en route vers les étoiles. Elles ne devraient pas tarder.
Courez-y avant.
Thierry Richard
(Texte et photographies)
Résumons
Atmosphère : Chic et lumineuse, à l’image de la cuisine
Bande son : Discrète
Plat(s) à ne pas louper : Laissez-vous aller, tout est magnifique ! Mais une tendresse spéciale pour la Blanquette made in Trochon.
Liquides : Faites-vous conseiller par Mi-Jin. Belle sélection de blancs raffinés.
Prix : Gastro mais pas trop (le menu déjeuner est une aubaine) hormis pour les vins au verre assez violemment tarifés
En pratique
Solstice
45 rue Claude Bernard
75005 Paris
Téléphone : +33 6 52 31 83 84
Fermé dimanche et lundi
Réservations acceptées
Menus déjeuner à 35 € et 45 €
Menus dîner à 65 € et 90 €
A la carte compter autour de 90 €
Métro : Censier-Daubenton