Auto
Centenaire Zagato, notre top 10 des modèles oubliés
18 DéCEMBRE . 2019
Il y a cent ans, le jeune Ugo Zagato ouvre à Greco, en banlieue de Milan, une carrosserie dont le capital est formé de ses indemnités de fin de contrat et de l’expérience acquise, d’abord comme chef d’atelier puis comme cadre de l’entreprise de construction aéronautique Pomilio. Dès l’origine, Zagato se distingue par un sens aigu de l’innovation. L’utilisation de matériaux légers et une certaine sportivité deviennent sa signature. Rançon du succès, ses productions triomphent aux Mille Miglia dès la fin des années 20. On revient sur dix modèles oubliés…
Par Antoine Minard
Zagato, c’est l’Alfa Romeo 6C Gran Sport ou TZ, l’Aston Martin DB4 GT ou la petite Lancia Fulvia Sport. Mais au cours de cent ans d’histoire, on ne compte pas que du bon goût et du classicisme de bon aloi ! Le 30 novembre dernier, à la vente RM Sotheby’s en marge du grand prix d’Abu Dhabi, était présentée une intrigante Zagato Raptor Concept de 1996. Vendue 1 086 250 $, cette Lamborghini Diablo unique à carrosserie Zagato nous a donné l’envie d’explorer les tréfonds de la production siglée du Z : notre top 10 des Zagato oubliées.
1970 Volvo GTZ 3000 : la plus latine des suédoises
Après l’unique Volvo GTZ 2000 du Salon de Turin 1969, la 3000 est dévoilée dans la foulée au Salon de Genève 1970. Développée sur la base de la nouvelle berline 164 et mue par le même 6-cylindre en ligne, elle se montre plus courte, plus basse, plus aérodynamique et plus légère de 130 kg.
À l’origine de ces études, une commande de Motauto, l’importateur italien de la marque suédoise demandeur d’une élégante carrosserie, censée réchauffer la gamme Volvo. Hélas, malgré un accueil favorable du public, la direction suédoise ne l’entend pas de cette oreille. Les plus classiques P1800 poursuivront leur carrière et ces deux GTZ resteront uniques.
1971 Milania, Z branché
À la fin du XIXe siècle, les véhicules électriques peuplaient les rues tandis que les voitures à pétrole se réservaient à une élite. Étonnant paradoxe, les électriques ne réapparaitront marginalement que dans les années 1970, dans un contexte social et économique agité coïncidant avec une augmentation de la circulation et de la pollution. Zagato souhaite alors se diversifier et lance ses propres recherches dans le domaine des solutions alternatives de mobilité.
Premier résultat : la Milania. Châssis en acier, carrosserie en fibre de verre, moteur électrique de 1 kW, 50 km/h en pointe et 90 km d’autonomie. Elle se recharge en 8 heures sur une prise 220 V. La Milania fut choisie par la Foire de Milan comme voiture officielle pour circuler au sein du parc des expositions. En 1972, elle est suivie de la Zele, homologuée comme biplace et qui connaîtra le succès dans sa version produite sous licence aux Etats-Unis. Elle peut être qualifiée de première auto électrique de grande série.
1972 Iso Rivolta Varedo, Supercar déchue
Après le décès de son père, Piero Rivolta reprend en 1966 la société Iso. Il introduit une évolution de la Griffo et une toute nouvelle voiture, la berline Iso S4, devenu Fidia. La Varado se présente comme un prototype de supercar à moteur central arrière. Elle reçoit un V8 Ford Cleveland 5 .7 associé et une carrosserie en fibre de verre et en polyester, moins cher à produire que l’aluminium. Elle est présentée au Salon de Paris 1972, sur un dessin d’Ercole Spada, chef du style Zagato de 1960 à 1970, les dessins initiaux remontent à 1970. Ils étaient donc contemporains, si ce n’est antérieurs aux autres créations plus extrêmes crées par les studios concurrents de l’époque. On pense aux Alfa Romeo Carabo, Ferrari Modulo (souvenez-vous, on en parlait ici…) ou Lamborghini Countach. On peut aujourd’hui l’apercevoir au Sarasota Classic Car Museum, en Floride.
1982 Alfa Romeo Alfasud Sprint 6C, Alfa en Groupe B
S’il est une époque marquante en rallye, c’est bien celle du Groupe B, avec des autos toujours plus puissantes. De 1982 à 1986, année de son interdiction, cette catégorie obligeait les constructeurs à produire au moins 200 exemplaires de l’auto semblable à celle engagée en compétition. Et Alfa Romeo voulait aussi en croquer. En 1983 Autodelta dévoile l’Alfasud Sprint 6C et Zagato devra fabriquer les 200 exemplaires d’homologation dit Stradale.
Si elle présente l’allure du modèle de série, cette biplace accueille en position central arrière le V6 Busso du GTV6 (2.5 et 160 ch). La petite Alfasud qui sert de base n’était à l’origine qu’une traction avant à petit moteur 4-cylindres. La légende raconte que le projet tombe à l’eau lors de l’apparition de la Peugeot 205 Turbo 16, contre laquelle Alfa Romeo n’aurait eu aucune chance.
1984 Lancia Thema Plus, sexy wagon
Présentée en 1984 et issue du projet Tipo 4 réalisé avec Fiat, Saab et Alfa Romeo, la berline de classe supérieure Thema incarne la réussite italienne des années 80. Immédiatement, Elio Zagato transforme la berline bien née en élégant break. Il fait appel à une astuce efficace : afin de réduire visuellement l’importance du volume arrière typique des breaks par le porte à faux ajouté, les montants-arrière se colorent de noir. Ainsi le vitrage semble dominant et allège l’ensemble. Un trait de style repris par les Mini contemporaines !
Seuls deux exemplaires seront construits, dont un qui devint l’une des autos personnelles du président de Fiat, favori de la jet-set, Gianni Agnelli. La mode du break distingué était lancée et se traduira en série par les confidentielles Thema SW puis Kappa SW, dessinées et produites chez… Pininfarina.
1988 Nissan Autech Stelvio, sur-mesure italo-japonais
Ce coupé à hautes performances, avec un dessin proche des Aston Martin Vantage de 1986, entendait réaliser une synthèse ultime de la haute technologie japonaise et d’une tradition du design Italien. L’auto fut réalisée à la demande d’Autech, division spéciale de personnalisation de Nissan, sur la base du coupé Leopard.
Le style se montre osé et regorge de gimmicks inédits comme l’intégration des rétroviseurs aux ailes-avant ou un curieux capot enflé. Hélas les autos seront ridiculement chères à produire, la faute à une carrosserie complexe : sa peau d’aluminium est sculptée à la main, ou plutôt au marteau ! 203 exemplaires tomberont des chaînes, faisant de la Stelvio la moins rare de ce top 10.
1991 Ferrari 348 TS Elaborazione, Pimp my Ferrari
Première Ferrari de l’ère « après Enzo » la 348 naissait orpheline. Si l’accueil fut timoré elle évoquait pour certains enthousiastes une petite Testarossa. Poursuivant la voie inaugurée avec la Stelvio, la 348 Elaborazione verse dans le tuning assumé. Derrière un kit carrosserie d’un goût… osé, on retrouve des traits repris trois ans plus tard par la F355 ainsi que le double bossage, signature du carrossier milanais. Aussi, elle introduit une série d’avancées devenues communes aujourd’hui : le capot transparent laisse voir le moteur et une caméra vidéo avec écran aide les manœuvres en marche arrière. Seuls dix conversions seront effectuées, d’aucuns s’écrieront « tant mieux » …
1992 Fiat Z-Eco, Z écologique
Pour coïncider avec le lancement de la citadine Cinquecento, le constructeur turinois invite les plus grands carrossiers italiens à exposer leur vision de la petite Fiat. Au Salon de Turin 1992 sont alors exposés une série de huit concept-cars.
Zagato, une fois de plus en avance sur son temps, prend pour thème l’écologie : les statistiques prouvent que dans les centres urbains les véhicules transportent rarement plus de deux personnes. Chez Zagato, on a l’idée de créer une biplace en tandem, avec la carrosserie aménagée pour emporter une bicyclette électrique rechargeable ! Notez les superbes jantes OZ et le kit carrosserie aguichant. Une auto furieusement moderne, idéale pour une mégalopole paralysée par les bouchons…
1995 Merdes S600 Golfing Break, Break de Golf
Golfing Break. C’est ainsi que Zagato nomma son étude de break Classe S. Il y avait le break de chasse, voici le break de golf. À vrai dire, c’est le coupé SEC génération W140 – devenu Classe S Coupé puis CL – qui sert de base à cet étrange break dévoilée au Salon de Genève 1995. Zagato a simplement ajouté au gros coupé V12 une cellule arrière façon sac à dos. Étonnamment le résultat convainc et allège la ligne générale. L’auto restera un modèle unique, à priori fonctionnelle et présente, selon les photos, deux paires de jantes différentes. Mais qu’est-elle devenue ?
1997 Lamborghini Borneo, SUV douteux
On connaît l’histoire du LM 002 : symbole de la mesure des années 1980, ce 4×4 avait été conçu pour répondre à un appel d’offre de l’armée américaine puis finalement commercialisé en petite série entre 1986 et 1993. Avec un V12 de Countach de 450 ch et un environnement luxueux (cuir, clim, hi-fi, boiseries…) 301 clients seront séduits.
En 1994, les nouveaux propriétaires de la marque au taureau (Megatech, une holding indonésienne enregistrée aux Bermudes) estiment que le LM002 se vend correctement et qu’il semble cohérent de le remplacer. Le futur SUV se nomme Boreo (ou Galileo) et reprend la base de son prédécesseur. Le design est confié à l’entité SZ Design de chez Zagato, dans le style plus consensuel du Range Rover P38, et une maquette grandeur nature construite. Puis la crise financière asiatique fera que Lamborghini arrive dans les mains de Volkswagen, pour le meilleur et pour le pire.
1998 Audi Zuma, Z TDI
Au Salon de Bruxelles 1998, puis au salon de Genève 1999, Zagato présente ce coupé basé sur une Audi A3, partageant elle même son châssis avec la Golf 4ème du nom. Sous le capot, un vulgaire 1.9 TDI de 110 ch perçu comme une innovation : une voiture de sport à moteur diesel n’était alors pas habituelle.
Le défi réside dans l’utilisation d’un maximum de composants de la donneuse, une mission réussie avec 75 % des pièces partagées mais une identité propre. On reconnaît dans la Zuma des traits repris à la fameuse Lancia Hyena de 1994. Voulue comme un hommage au succès du groupe Volkswagen, la Zuma fêtait aussi les 80 ans de Zagato. Hélas, en 1998, Audi s’occupait plutôt à industrialiser son propre coupé partageant la même base, la TT.
A.M.