Auto
Le Who’s Who des Facel Vega
10 MARS . 2020
Aussi chère qu’une Rolls-Royce, aussi chic qu’une Aston Martin, aussi puissante qu’une Ferrari, aussi rare qu’une Lancia … mais tellement plus française : dans les années 60, la Facel Vega n’était pas la voiture de monsieur-tout-le-monde. Des noms ? Faisons du name dropping, à la faveur de la vente aux enchères des autos de la famille Staub (les cocottes) par Aguttes, le 15 mars prochain.
Par Frédéric Brun
OSS 117 ou René Coty ?
Si on le laissait faire, OSS 117 mettrait bien un petit coup de polish aux voitures de la collection Staub. Sur les Facel Vega, ça le connaît. Il suffit de se souvenir de son attitude au sujet du cabriolet Facellia F2B de Larmina. Mais aurait-il osé sur celle de ses supérieurs ?
En effet, une voiture, officiellement enregistrée au nom du ministre de l’intérieur, a été livrée en 1955 à l’ancien président du conseil Maurice Bourgès-Maunoury. Difficile d’imaginer aujourd’hui une voiture d’un tel luxe avec une cocarde tricolore. Le bon président René Coty s’en serait régulièrement et discrètement servi, dit-on…
Ava Gardner
Une photo célèbre montre Ava Gardner près d’une HK500. L’actrice avait pourtant, entre autres, une limousine Excellence. Le coupé sur le cliché appartenait à l’acteur américain Tony Franciosa. Le bellâtre était son partenaire dans La Maja nue, un film de 1958 dans lequel il joue le peintre Goya.
Il s’était fait livrer la Facel Vega neuve à Rome. Tout cela accrédite la thèse de la liaison avec « le plus bel animal du monde »… Est-ce seulement par jalousie que Frank Sinatra en acheta une ? Ce n’est pas faute pourtant d’en avoir entendu chanter les louanges par son copain Dean Martin. Très show bizz, tout ça.
Ringo Starr
Luxe à la française et gros V8 américain : les Facel Vega seront aussi des voitures de rock star. Ringo Starr se montrera souvent au volant de la sienne. Une Facel II de 1964, bordeaux avec un intérieur beige, achetée en novembre 1965 par le batteur des Beatles.
C’est l’une des toutes dernières construites. La production totale de la marque étant de 2897 exemplaires. Celui en question est d’autant plus rare que sur les 184 Facel II, 2 seulement seront équipées du gros moteur 6,8L, et qu’il n’y a eu que 26 exemplaires seulement à conduite à droite. La voiture a changé de mains en 2013 pour 387 000 €. Le prix d’un tel pedigree.
François Truffaut
Les cinéastes de la nouvelle vague se sont aussi laissés charmés par les Facel Vega ! Surtout les petites Facellia, moins dispendieuses. Si François Truffaut n’a pas cédé à la tentation de se servir de la sienne pour les films, en revanche Jean-Luc Godard en fait flamber une verte dans Week-End. Est-ce la faute de Jean Yanne ou de Mireille Darc? Jean Seberg, elle, pilote un pimpant cabriolet Facellia F2 dans A la française (In The French Style).
Celui de Marie Laforet, dans La Fille aux Yeux d’Or, c’était la version FA. Attention à ne pas confondre. Max Pecas sera plus voluptueux dans Douce violence (avec Elke Sommer et Agnès Spaak : ne pas bouder son plaisir). Dans Vie privée, Louis Malle filme son propre cabriolet Facellia FA en famille : Brigitte Bardot est au volant. Marcello Mastroianni la regarde filer.
Christian Dior
Christian Dior cachait sa Facel Vega à Granville. Pablo Picasso gardait la sienne en Normandie. Beaucoup de propriétaire de ces voitures préféraient la discrétion, pour éviter les jalousies. Valant le prix d’une Silver Cloud, quatre fois celui d’une Type E ou d’une DS 19, la barre était haute. Louis-Philippe Fourchaume n’avait pas les moyens.
Il faut plutôt regarder du côté des riches familles d’entrepreneurs. Dans la prochaine vente aux enchères de la collection Staub, on remarquera une voiture livrée aux établissements Motte & Porisse, une grande filature de Roubaix (Les Laines du Chat Botté). Des grands bourgeois s’offrant le plaisir coupable d’une GT luxueuse.
Robert Wagner
Mettons de côté cinq minutes Jonathan Hart, le justicier-milliardaire roulant en Mercedes-Benz SL type R107 jaune dans les années 80. Robert Wagner, qui a commencé comme caddie de Clark Gable, devient célèbre et riche dès les années 50. Rapidement, le garage de ce grand amateur de voitures de luxe va témoigner de sa réussite.
En 1956, avec Spencer Tracy, il utilise le tout premier cabriolet FV1, dans La Neige en Deuil. Pour le film, la décapotable blanche est repeinte en rouge. Séduit, l’acteur achète un coupé noir. A sa suite, pas mal de stars de Hollywood vont faire le choix exotique de la GT française, notamment Tony Curtis, Danny Kaye, Debbe Reynolds, Anthony Quinn, Joan Fontaine, Fred Astaire, ou encore le réalisateur Stanley Donen…
Le Shah d’Iran
Le 27 octobre 1961, Paris Match titre sur la seconde lune de miel de Farah à Paris. En double page, la jeune reine est radieuse derrière le large pare-brise d’une Facel II. Au volant, son mari, le Shah des Perses. Amateur avisé, le souverain de Perse collectionne les voitures comme d’autres les maîtresses.
Quel tableau de chasse ! Lamborghini Miura P400 SV ou Maserati 5000 GT à carrosserie spéciale Touring : le garage impérial rassemble le fin du fin avec plus d’une centaine de bolides ou de limousines. La Facel II est en alors le nec plus ultra. Il lui en faut donc une. Le monarque profite de sa visite officielle au Général De Gaulle pour repartir avec un exemplaire flambant neuf. Il n’est pas le seul souverain à accorder ses faveurs à la belle française. Sur la liste, le roi Hassan II du Maroc, la princesse Grace de Monaco ou le « roi-père » du Cambodge Norodom Sihanouk.
Yves Montand
Peut-être faudrait-il plutôt dire Roger Demarest. Certes, le vrai nom de l’acteur était Ivo Livi, mais c’est le personnage qu’il interprète dans Aimez-vous Brahms ? qui roule en HK500. Quand on a Ingrid Bergman comme maîtresse, il faut au moins ça. Comment peut-elle se laisser tourner la tête par Anthony Perkins en TR3 ? Le film d’Anatole Litvak – lui-même propriétaire d’un coupé FV3 – est une adaptation d’un roman de Françoise Sagan.
En matière de belles voitures, le « charmant petit monstre » était une connaisseuse. Déjà, dans Bonjour tristesse (Otto Preminger, 1958) une FV3, immatriculée 9 DD 75, qui partage le générique avec David Niven, Jean Seberg, et Déborah Kerr. Les chansons de Juliette Gréco trottent dans la tête en partant de chez Maxim’s, la nuit… Toute une époque.
Stirling Moss
Pas assez sportives, les Facel Vega ? A voir ! En octobre 1960, un coupé, piloté par Paul Frère, est chronométré à 237 km/h sur l’autoroute d’Anvers. A sa suite, plusieurs pilotes automobiles de renom vont en faire leur monture de prédilection entre deux circuits. Si le champion national Maurice Trintignant ouvre le bal, il est rapidement copié par Stirling Moss ou Tony Vandervell. Aussi exclusives que la Lancia Aurelia, les Facel Vega tenaient la dragée haute au reste des GT de l’époque, sans forcément en avoir l’air.
Rob Walker
Héritier de la distillerie de whisky Johnny Walker et patron de l’écurie de F1 britannique la plus efficace à la fin des années 50, Rob Walker sera un fan de la marque française. En Italie, c’est aussi le cas du flamboyant comte Giovanni Volpi di Misurata, créateur de la Scuderia Serenissima et fondateur du festival du film de Venise. En Suède, le comité de direction de Volvo, fera l’acquisition en toute discrétion d’une Facel II pour l’étudier de près dans l’idée de lancer une GT haut de gamme. Hélas, sans suite.
Tante Yvonne
La légende veut que le Général De Gaulle refusait de rouler en Facel Vega à cause de la motorisation américaine. Ce n’est que partiellement vrai. Un projet de voiture présidentielle a été étudié ; les dessins sont même conservés aux archives nationales. Madame de Gaulle -alias « Tante Yvonne »- appréciait beaucoup le confort d’une Excellence.
Plusieurs ministres au panache certain osent aussi rouler en Facel Vega, tels le prince Poniatowski ou l’industriel Michel Maurice-Bokanowski (en mai 68, il avait même une Lamborghini…). Quelques diplomates flamboyants optent pour l’Excellence. Notamment Roger Seydoux, ambassadeur de France au Maroc, faisant équiper sa limousine d’un système inédit de climatisation. Si c’est pour la France …
F.B