État Libre d’Orange

« Le parfum est mort, vive le parfum ! » La porte de la boutique à peine entrebâillée, un slogan sur le mur donne le ton. Si vous ne jurez que par le classicisme en matière de fragrances, il est encore temps de faire machine arrière. Si en revanche vous êtes un esthète doté d’un solide sens de l’humour (maso assumé serait un vrai « plus »), bienvenue. Vous allez vous faire mener par le bout du nez.

Putain des palaces, Charogne, Éloge du traître, Sécrétions magnifiques… État Libre d’Orange, créateur de parfums de niche installé rue des Archives depuis 2006, ce sont d’abord ces noms qui claquent comme une provocation, une gifle, voire un fouet. « Fragrances out of your comfort zone » résume l’esprit du label : iconoclaste, séducteur toutes voiles dehors et évangélisateur des contrastes.

Nous avons plié sous l’ambiguité retorse de l’une des dernières créations, Dangerous Complicity, cinglant les sens à coup de rhum, cannelle, cuir, ylang-ylang et santal. Masculin, féminin… Quelle importance ? Next question, please… Belle découverte, Bijou Romantique (iris, rose, vetiver, encens) rappelle le Cuir Ottoman de Parfum d’Empire, mais en plus juvénile et décoiffé. Le tout dernier né, La Fin du Monde, nous la joue apocalypse sur grand écran. Il déploie une artillerie baroque à coups d’accord pop-corn, poudre à canon (si, si…), carotte, cumin et poivre noir de Madagascar. Sérieusement ? Une réussite gourmande et irisée.

Sachez enfin – et en bref – que l’actrice Tilda Swinton a conçu Like This, un élégant accord gingembre – mandarine, que, oui, Sécrétions Magnifiques, dérangeant et métallique, évoque le sang, la salive, la sueur et le sperme et que Tom Of Finland (cuir, citron, ambre gris…), un jus burné, a beau revendiquer une imagerie gay portant casquette cloutée et moustache, il est vénéré par tous, au-delà des codes et des étiquettes. C’est même le best-seller de la maison.

Guillaume Tesson