Auto
Les grands de ce monde
Les Rolls-Royce des Gulbenkian
27 OCTOBRE . 2020
Quoi de mieux, en ces temps sombres, que de rêver aux grands de ce monde ? On commence notre série avec les Gulbenkian. Établis en Cappadoce, ils prospèrent au point de devenir plus riches que les Rockefeller, les Rothschild, Howard Hugues et autres magnats américains. Et bien sûr, ils possédaient des autos hors du commun…
Calouste Gulbenkian, une fortune pétrolifère et une collection d’art
Descendants de lointains princes arméniens, la famille fait fortune au XIXe siècle, dans diverses activités bancaires et d’import-export, sans oublier de se consacrer aux œuvres philanthropiques. La Turquie s’engage alors dans un programme financé en partie par la France et le Royaume-Uni afin de contrôler les champs pétrolifères de l’ancienne Perse et de Mésopotamie.
Calouste Gulbenkian (1869-1955) jouera un rôle central dans cette course au trésor, ou il démontre un sens inouï des affaires. On l’appellera ‘Monsieur 5 %’… Rapport aux 5 % qu’il obtient dans la plupart des exploitations pétrolières alors découvertes en Moyen-Orient. Avec un quasi-monopole de l’importation d’or noir, Gulbenkian devient la première fortune mondiale.
Le patriarche est aussi et surtout connu pour avoir légué sa fantastique collection d’art à sa fondation, située à Lisbonne. Il y avait accumulé plus de 6000 pièces et se passionna tant de peinture que d’œuvres antiques, toujours présentées dans son musée lisboète.
Nubar Gulbenkian, le faste londonien et parisien
Réputé pour son faste et son excentricité décrits dans Nous, les Gulbenkian, son fils et hériter Nubar (1896-1972) s’impose comme une figure de la haute société anglaise. Citoyen britannique depuis 1902, Nubar Gulbenkian vit entre Londres et Paris. Dans la capitale française, sa femme occupe un hôtel particulier avenue d’Iéna.
En Rolls-Royce sinon rien
Cinquante ans plus tard, longue barbe, monocle, cravates ascot, canne en argent et orchidée dans la boutonnière, Nubar se fait remarquer. Il aime les voitures de sport, mais après-guerre, signe de son statut de senior, il choisira comme il se doit Rolls-Royce.
La Silver Wraith, lancée fin 1946, restera sa favorite. Basée sur le châssis des Silver Dawn, la Wraith est plus longue (empattement de 10 pieds et 7 pouces, soit 3 226 mm) et se destine aux carrosseries traditionnelles. Sa première, Pantechnicon, construite en 1947 par Hooper & Co ressemble davantage à un véhicule militaire qu’à une Rolls.
Il en commande deux autres dont une Sedanca de ville, avec l’intérieur en peau de lézard. Notons que pour ses Rolls, Gulbenkian insistera généralement sur l’absence de boiserie, soit peintes couleur carrosserie, soit remplacées par du cuir. En 1956, il commande Perspex top, qui deviendra la plus célèbre de ses Rolls. Basée sur une berline 4-portes à volant à gauche.
Nubar la commande pour conduire sur la Côte d’Azur selon le fameux principe du « vu et être vu ». Toujours construite chez Hooper & Co, cette carrosserie unique à l’allure spectaculaire offre un pavillon transparent en Perspex, un polymère thermoplastique transparent, avec store intérieur électrique pour éviter que l’habitacle ne chauffe trop.
La carrosserie se revêt d’une livrée en deux tons tandis que les boiseries et le tableau de bord s’habillent de cuir. Un compteur de vitesse est monté sur un tableau de bord à l’arrière, Gulbenkian y ajoute l’air conditionné, les vitres électriques et la télévision.
La Perspex top, du cinéma aux boîtes de nuit
Lorsque le magnat revend sa Perspex top, elle apparaît en 1964 dans le film Les félins avec Alain Delon et Jane Fonda. La voiture est à nouveau vendue en 1968 à René Gourdon, propriétaire de la boîte de nuit La Belle Etoile à Nice. Avec un sens aigu du mauvais goût il la repeint … en jaune vif.
« Est-ce-que je n’ai qu’une seule Rolls-Royce ? Oh, voyons ! Je ne suis pas si pauvre que ça. » – Nubar Gulbenkian
Laissée dans le sous-sol du bâtiment, au début des années 1990 un amateur lui rachète. Une restauration effectuée par le spécialiste Franck Dale & Stepsons s’est achevée fin 2007. La carrosserie a été repeinte dans sa livrée d’origine, les chromes ont été refaits et le 4.9 entièrement révisé.
Millionnaires, érudits et voyageurs, les Gulbenkian incarnaient un véritable pont entre les cultures. « Est-ce-que je n’ai qu’une seule Rolls-Royce ? Oh, voyons ! Je ne suis pas si pauvre que ça. » aimait plaisanter Nubar Gulbenkian lorsqu’on abordait la chose automobile. Nubar aimait aussi ses taxis Londoniens fabriqués rien que pour lui et les Mercedes (dont est issu le détail de notre image à la une, ndlr), mais c’est une autre histoire…
A.M