Les Grands de ce monde

Quand on évoque le nom d’Al Capone, on pense immédiatement à un Chicago corrompu, la prohibition, les mitraillettes, des borsalinos blancs et les bains de sang aussi… Alphonse Gabriel Capone, issu de l’immigration massive italienne, naît à Brooklyn en 1899. Dès l’enfance il tombe dans la délinquance. Il s’affirme comme une grande figure du banditisme quand il quitte New York pour Chicago en 1919. Icône de la pop culture américaine, Al Capone symbolise le pouvoir criminel capable de corrompre les hommes politiques et les forces de l’ordre.

Au milieu des années 1920, Al Capone est au sommet de sa gloire. Il tient d’une main de fer la pègre de Chicago et sans doute le crime organisée de l’ensemble des États-Unis : il gère un immense réseau de contrebande, de bars clandestins, de bordels et tient les paris liés aux courses de chevaux… même si il n’y a pas de champs de courses à Chicago !

Al Capone aura même été élu homme de l’année par Time magazine !

Des costumes sur-mesure et des voitures de luxe

Le plus grand gangster de tous les temps aimait briller devant les médias. Time magazine le fera même homme de l’année en 1930 (!). C’est que le patron du crime se distinguait par son élégance intemporelle : un style extravagant symbolisant un style de vie fastueux : costumes à double boutonnière sur mesure, borsalino, chaussures lustrées, chaussettes en soie ou bijoux clinquants… Capone façonne le mythe de l’anti-héros. Bien sûr il aime aussi les belles autos. Notamment les Cadillac…

Cadillac, naissance et apogée

En 1902, l’industriel Henry Martin Leland lance avec d’anciens investisseurs d’Henry Ford sa propre marque : Cadillac, du nom du Bordelais Antoine de la Mothe Cadillac, fondateur de la ville de Detroit. Le public découvre alors des autos performantes et modernes dont la qualité d’assemblage semble parfaite.

1903 Cadillac Runabout

Sept ans plus tard la marque est achetée six millions de dollars – une fortune – par Bill Durant, à la tête de General Motors, qui bataillait déjà avec Ford pour la place enviée de constructeur numéro 1 mondial. En 1927, la production atteint 47 000 unités, dont une grande partie de Town Sedan.

La Cadillac d’Al Capone, verte et noire comme celle de la Police de Chicago ! © RM Sothebys

Celle d’Al Capone, une Series 341-A à moteur V8, apparaît pour la première fois en 1928 lorsque ses hommes abattent un rival irlandais et «remontent calmement à bord d’une Cadillac verte et noire ». Soit les même couleurs que les 85 Town Sedan de la police de Chicago. Performante, équipée d’un gyrophare et d’une sirène elle serait aussi blindée. Du jamais vu !

Comment blinder une Cadillac

En 2008, Richard Capstran explique que, jeune garçon, il avait aidé son père à installer le blindage de la Cadillac d’Al Capone. L’atelier de carrosserie de son père Ernest avait auparavant effectué une réparation de qualité sur une autre Cadillac accidentée par les hommes de Capone.

À peine livrée, la nouvelle Cadillac Town Sedan file à l’atelier de Capstran. Quand on explique au carrossier ce qu’on attend de lui, il répond « nous ne faisons pas ce genre de travail ici ». Ce à quoi les hommes de Capone lancent « maintenant vous le faites ». Efficace. Ils ordonnent que la Cadillac soit reculée au fond de l’atelier afin qu’aucun passant ne puisse la voir.

© RM-Sotheby’s

Le processus consistait à insérer dans les portes une plaque d’acier enveloppée d’amiante, livrée ainsi à l’atelier de carrosserie. Les fenêtres, plus épaisses, étaient modifiées de telle sorte que le verre puisse être soulevé afin d’y accueillir l’embout d’une mitrailleuse.

Capone se présente en personne pour régler la facture et paiera le double du prix demandé.

© RM-Sotheby’s

Lorsqu’il fait le tour de la voiture, Capone aperçoit Richard, dix ans. Le père Capstran explique que son fils a aidé et réalisé un excellent travail de ponçage.

Capone lui tend alors un billet de 10 $, une petite fortune pour un enfant ! Sept décennies plus tard, Richard revoit l’auto au sein de la collection de M. O’Quinn et déclare « il s’agit sans aucun doute de la voiture sur laquelle on a travaillé avec mon père. »

Le voyage de la Cadillac blindée, de l’ennemi public numéro 1 au président Roosevelt

En 1931, après l’arrestation et la condamnation d’Al Capone pour fraudes fiscales (!), la fameuse Cadillac est confisquée et stockée dans un entrepôt du ministère du Trésor.

Dix ans plus tard, quand les avions japonais bombardent la base navale de Pearl Harbor, la Cadillac est amenée à la Maison Blanche. Une idée de Mike Reilly, directeur de la protection rapprochée, qui se souvenait de son avantage blindé. Après une nuit de remise à neuf, l’auto est prête pour conduire le président. Lequel, apprenant qui était son précédent propriétaire, s’exclama :  « J’espère que cela ne dérange pas Monsieur Capone ! »

À l’été 2012, la maison RM Sotheby’s vend la Cadillac blindée d’Al Capone 341 000 $. À l’heure où nous écrivons ces lignes, elle est de nouveau à vendre pour … un million de dollars, par Celebrity Cars à Las Vegas. À vous de voir !

A.M