Cinéma & Séries
Make my day ! La collection (à offrir) des grands films de genre oubliés
08 DéCEMBRE . 2020
Vous n’osez plus parler de Blu-Ray, pis encore de DVD ? Vous cachez votre collection derrière les livres, dans des étagères de seconde zone ? Depuis que les ordinateurs n’ont plus de lecteurs, vous, adepte du coffret de collection, vous sentez dépassé ? Rassurez-vous ! En partenariat avec Studio Canal, le critique du cinéma Jean-Baptiste Thoret, grand amateur du cinéma des années 60 et 70, imagine depuis deux ans Make my Day ! une collection sans cesse enrichie de films pointus, de bonus et d’inédits passionnants, le tout emballé et pesé dans un coffret qui se manie comme un bel objet. A offrir ou à conserver en plaisir égoïste : retour sur trois films que vous savourerez (enfin) seul ou à deux, mais surtout pas en famille à Noël…
« Make my day ! » En ces temps troublés, on n’a pas entendu l’expression culte depuis trop longtemps. La locution, qui fait référence à une réplique de Clint Eastwood dans Le Retour de l’inspecteur Harry (1983), est aussi le titre d’une collection de DVD/Blu-Ray proposée par le critique et théoricien du cinéma Jean-Baptiste Thoret, pour le plus grand bonheur des adeptes.
Il y fait le pari du support physique : une attention toute particulière est apportée à l’objet qu’on prend véritablement plaisir à collectionner. Le plaisir est aussi cinéphile, puisque la sélection fait la part belle aux films de genre et au « Cinéma Bis » (ces fameux films de série B pourtant souvent intéressants voire passionnants ndlr).
Des choix pointus, une présentation passionnante précédant chaque film en bonus par Jean-Baptiste Thoret, des interviews inédites, des documents d’époque rares ou produits spécialement pour l’occasion… On en profite pour revenir sur trois œuvres que vous n’êtes pas prêts d’oublier.
1. Canicule, d’Yves Boisset (1984)
Le cinéma d’Yves Boisset est aussi contestataire et politique que visionnaire. En somme, un vrai condensé du cinéma 70. La collection Make My Day ! remet en avant ce réalisateur primordial, notamment à travers son film -malheureusement un peu oublié- Canicule.
Imaginez le monstre sacré Lee Marvin interprétant un braqueur essayant d’échapper à la police française et obligé de se cacher dans une ferme de la Beauce habitée par Miou-Miou, Victor Lanoux, Jean Carmet et Bernadette Lafont.
Le pitch : Imaginez le monstre sacré Lee Marvin interprétant un braqueur essayant d’échapper à la police française et obligé de se cacher dans une ferme de la Beauce habitée par Miou-Miou, Victor Lanoux, Jean Carmet et Bernadette Lafont. Au-delà du casting absolument inédit (et des dialogues de Michel Audiard) le film nous fait vivre une expérience rare, passant de scènes très malsaines à des séquences tirant plus vers le burlesque, le tout sans aucune transition et placé sous l’égide des codes du film noir et du polar.
On notera la présence de David Bennent auréolé du succès du Tambour de Volker Schlöndorff, palme d’or à Cannes 1979 ex-æquo avec Apocalypse Now. Il interprète ici un enfant aux velléités et aux attitudes d’adulte mettant la main sur le magot du personnage de Lee Marvin trop occupé à sauver sa peau.
L’anecdote : Ce film totalement atypique n’était pas à l’origine le sujet que comptait aborder Boisset à ce moment de sa carrière. Habitué aux sujets chauds et n’hésitant pas à mettre en cause les plus hautes instances de l’état -on pense notamment à « L’Attentat » ou « Le Juge Fayard dit le sheriff »- le réalisateur préparait un film traitant de la Françe-Afrique et des liens douteux qu’entretiennent les politiques avec les anciennes colonies françaises.
Mais nous sommes en 1983, et le projet parvient aux oreilles du président fraichement élu, François Mitterrand. Le réalisateur subira, certainement sans aucune corrélation, menaces et autre contrôle fiscal avant d’abandonner l’idée sous la pression. Il acceptera donc de travailler sur Canicule, moins dérangeant aux yeux du pouvoir mais tout autant à ceux du spectateur.
En plus : Le film est proposé dans un coffret double DVD/Blu-ray avec Folle à tuer (1975), autre œuvre de Boisset, un thriller mettant en scène Marlène Jobert.
2. La mort a pondu un œuf, de Giulio Questi (1968)
Le pitch : Pensez-vous, il n’y a pas que les Français. L’Italie est particulièrement mise en avant avec entre autres La mort a pondu un œuf , un film ayant bien failli disparaître !
Jean-Louis Trintignant, habitué du cinéma transalpin, y tient le premier rôle. Il y interprète un homme dérangé et dérangeant, coincé entre sa femme autoritaire campée par Gina Lollobrigida et les fantasmes morbides qu’il tente d’assouvir.
Le cadre très singulier de ce récit est une entreprise d’élevage expérimental de poulets que possède Madame, et dont Monsieur est employé en tant que cadre supérieur. Loin de l’image de la ferme terreuse et rurale, la maison et l’élevage du couple résolument modernes et aseptisés font froid dans le dos tout comme les expériences auxquelles s’adonnent déjà à cette époque les scientifiques afin d’obtenir un rendement toujours supérieur dans la ponte des œufs.
La présence d’une mystérieuse jeune femme blonde habitant avec le couple dans une sorte de ménage à trois parfait cette ambiance déroutante à souhait.
L’anecdote : Le film, sorti à la fin de années 60, peut être vu comme précurseur d’un genre qui deviendra l’un des fleurons du cinéma italien des années 70, au croisement entre le thriller, le film d’horreur et le film érotique : le giallo.
En plus : La collection propose également un excellent film de Philippe Labro toujours avec Trintignant, Sans Mobile Apparent, où l’acteur enquête sur les agissements d’un mystérieux snipper perpétrant des assassinats à première vue sans aucun lien, en pleine ville de Nice.
3. Winter Kills, de William Richert (1979)
Le pitch : Direction les Amériques avec, dans la collection, des titres comme Winter Kills. objet hybride venant clore cette décennie cinématographique placée sous le signe du complot (Conversation secrète, Les trois jours du Condor, Les hommes du président…) en mêlant ce thème à une imagerie burlesque voire même parodique à certains moments.
Jeff Bridges (qui tournera vingt ans plus tard The Big Lebowski avec les frères Coen) propose ici déjà une interprétation d’un homme simple, attachant, et sans grande ambition, dépassé par les évènements de plus en plus rocambolesques qui s’agitent autour de lui, suite à des révélations sur la disparition de son frère, assassiné des années auparavant pendant son mandat de président des États-Unis.
On retrouve aussi le grand John Huston dans le rôle du père de Bridges en richissime patriarche grande gueule qui décide de diligenter sa propre enquête à l’aide de son mystérieux et inquiétant bras droit interprété par Anthony Perkins (Psychose).
Cette perle inclassable qui aurait pu non seulement disparaître mais ne jamais voir le jour semble faire le lien entre deux décennies ; le cinéma sombre et réaliste des années 70 et celui grandiloquent des années 80. Une œuvre rare !
L’anecdote : Apparu sur les écrans la même année que le chef-d’œuvre d’Henri Verneuil, I…Comme Icare avec lequel il partage le thème de l’assassinat politique et en particulier celui de Kennedy, le film aura connu une production mouvementée. D’abord, une pause de deux ans en plein tournage, chose extrêmement rare. Ensuite, à sa sortie, les pressions de la famille Kennedy mirent à mal l’exploitation du film en salles.
En plus : La collection qui compte désormais un catalogue d’environ quarante films arrive à point nommé pour les fêtes de fin d’année et pour ceux qui auraient fait l’erreur de se débarrasser de leur lecteur DVD, les films de la collection sont également disponibles sur la plateforme My Canal ou certaines plateformes de vidéos à la demande tel Universciné.
Le bonus de la collection : Le Trou, chef d’œuvre hors-série de Jacques Becker (1960)
Depuis la rentrée 2020, Jean-Baptiste Thoret propose deux fois par an des hors-série au sein même de sa collection, histoire de mettre en avant des chefs d’œuvres du cinéma plus célèbres qu’il est tout autant important de faire continuer à vivre.
Le premier (et à ce jour le seul) hors-série, c’est Le Trou, une pépite de Jacques Becker sorti en 1960. Dans ce film adapté du roman éponyme de José Giovanni, figure centrale du polar français des décennies 50-60 et 70 aussi bien en littérature qu’au cinéma, cinq hommes que les hasards de la vie font se retrouver dans la même cellule à la prison de la Santé, organisent leur évasion.
L’envie de liberté, semble nous rappeler le film, est le plus puissant des moteurs. (…) Considéré par Jean-Pierre Melville comme le plus grand film français de tous les temps, il est plus que jamais d’actualité, pour nous qui sommes aujourd’hui tous prisonniers.
Le pitch : Peu d’esbroufe dans cette œuvre de Becker qu’il n’aura malheureusement pas le bonheur de voir (le réalisateur meurt pendant le mixage du film). Une économie de mouvements de caméra, de décors et de dialogues, mais quelle force, quel réalisme !
Et quelle simplicité effrayante dans la vision de ces hommes frappant comme des forcenés les murs qui les emprisonnent. La caméra reste parfois de longues minutes sur ces objets passant de main en main et s’abattant continuellement sur le béton.
Vous l’aurez compris, le film tient le spectateur en haleine sur ce suspens : le plan des prisonniers fonctionnera-t-il ? Dans le même temps, on est étourdi par l’énergie déployée sous nos yeux. L’envie de liberté, semble nous dire le film, est le plus puissant des moteurs.
Campant l’un des cinq détenus le célèbre Michel Constantin (Ne nous fâchons pas, Le deuxième souffle) interprétait ici son premier rôle au cinéma. Le reste de l’équipe est également composé d’acteurs presque ou totalement inconnus à l’époque.
L’anecdote : L’une des priorités de Becker pour ce projet était non seulement d’avoir de vraies gueules mais également des gens que l’on pourrait croiser dans la vie de tous les jours et auxquels les spectateurs pourraient s’identifier.
Considéré par Jean-Pierre Melville comme le plus grand film français de tous les temps, Le Trou est à voir ou à revoir absolument. Il est peut-être plus que jamais d’actualité, pour nous qui sommes aujourd’hui tous prisonniers.
En plus : le film est proposé dans un superbe coffret avec des bonus encore plus nombreux que pour les autres films de la collection (votre soirée télé n’en finira jamais) et hors-série oblige, il est accompagné d’un livret passionnant, proposant analyses, articles de presse et fac-similé d’une partie du scénario original. De quoi Make your day à Noël.
O.C
Collection Make my day !
3 types de coffrets : 1 seul film, 19€90. 2 films (dont Canicule + Folle à Tuer), 24€90. Ou bien le coffret hors-série, 49€90.
Disponible partout (FNAC, Gibert Joseph…) mais on vous recommande le magasin Potemkine,
30 rue Beaurepaire,
75010 Paris
T. 01 40 18 01 81
Ouvert 7/7, de 11h à 19h, le mercredi, vendredi et samedi jusqu’à 20h et le dimanche de 14 à 19h.