Cuisine
C’est caviar !
Comment déguster le caviar et avoir l’air intelligent en 5 points, suivi de notre sélection
14 DéCEMBRE . 2020
Il y a les experts. Ceux qui, d’un geste assuré, déposent gracieusement une noisette du divin produit. Ceux qui ferment les yeux et récitent les différentes espèces d’esturgeons à peine la cuillère en nacre glissée hors de leurs lèvres. Et puis il y a les autres. Ceux qui jettent un coup d’œil en biais à leur voisin pour s’assurer d’avoir bien positionné le caviar sur le dos de la main, ni trop haut ni trop bas ni trop sur le côté. Ceux qui ne se souviennent pas de celui-ci plus iodé, celui-là plus clair. A ceux-là, on offre la chance de briller à ce satané dîner de Noël. Alors, caviar français ou pas ? Comment le déguster et l’apprécier ? Toutes les questions que vous n’avez jamais osé poser sur le caviar, c’est ici.
1. Comment choisir son caviar ?
On ne va pas se mentir. Sauf exception, le prix reflète la qualité. Mais que reflète-t-il, ce prix, justement ? Deux critères principaux : l’espèce et la préparation.
Selon l’esturgeon, les œufs auront un aspect, une texture et un goût très différents. Il est donc important de pouvoir goûter et comparer différents caviars pour commencer à se faire une idée : l’aime-t-on en grains serrés ou larges, plus ou moins argenté ou noir, crémeux ou plus sec, iodé ou beurré… A vous de le découvrir.
De la préparation du caviar découle la qualité du produit final. Il en existe trois types : traditionnellement, la meilleure préparation est celle du caviar dit Malossol : saumuré et peu salé (entre 4 et 5% maximum de sel), c’est le préféré des amateurs. Ensuite, vient le caviar un peu plus salé (8% de sel), puis le caviar pressé, réalisé à partir d’œufs mous, trop mûrs ou abîmés. Le goût de ce dernier est généralement plus fort, très fruité et trop salé. Mais… C’est le caviar préféré des Russes !
Une fois votre choix orienté, souvenez-vous de quelques principes de base : le bon caviar n’a pas d’odeur. Fuyez les effluves de poisson… Mais si votre belle-famille vous observe d’un œil noir dans l’attente du jugement, placez-vous près des commodités.
2. Comment déguster le caviar ?
C’est la bête noire du néophyte. Comment déguster le caviar sans passer pour un ignare ? Facile en quelques points-clé.
D’abord, le caviar se déguste généralement sur un lit de glace, dans un support en cristal, verre, porcelaine… Mais toujours pas en métal ou en argent. On aura pris la précaution de le sortir du frais (de la partie la plus froide du réfréigérateur), selon indications, entre dix minutes et une demi-heure auparavant. C’est un peu comme une bonne viande ou un bon vin rouge : on ne s’en occupe tout simplement pas à la dernière minute.
Il existe deux manières de déguster l’aliment sacré : à la cuillère ou à la royale. On s’explique. A la cuillère, rien de plus simple, dégainez tranquillement vos petites cuillères en nacre, en corne, en porcelaine, en bois pour les plus écolos. Eh là, malheureux, cachez cette cuillère métallique que je ne saurais voir ! Le métal oxyde le caviar et lui donne du (mauvais) goût. Reposez donc votre argenterie.
Les puristes vous diront qu’il n’y a rien de tel qu’une dégustation à la royale. Le snobisme consiste -pour une fois qu’on a le droit- à être chic en mangeant avec les doigts. Mais attention au geste. Prenez à l’aide de la fameuse cuillère-non-métallique une petite noix de caviar et déposez-la délicatement à même la peau, sur le dos de la main, au début du pouce. Paraît-il que les goûteurs des tsars l’appliquaient ainsi. C’est aussi le meilleur moyen d’éviter le goût potentiel d’une cuillère et, d’une pierre deux coups, de réchauffer un peu les œufs.
3. Avec quel accompagnement ?
Avec ou sans cuillère, goûtez délicatement à la petite noix en une seule fois, laissez les grains fondre et éclater sur la langue et, comme un bon vin, les arômes envahir votre palais.
Question cruciale : avec quoi accompagne-t-on le caviar ? Ah ! Nadine de Rothschild veille au grain (c’est le cas de le dire) et son esprit furieux ne vous loupera pas si vous osez de malheureux mélanges. Le caviar, c’est bien simple, se déguste seul pour les plus connaisseurs. Certes. Nous, on doit admettre qu’une bonne pomme de terre fondante n’est pas de refus. Vous l’aurez compris, en tout cas, c’est la simplicité le maître-mot de la table sur laquelle le caviar règne en roi. Less is more.
Alors au choix, présentez au roi de petites pommes de terre cuites vapeur et fondantes (ratte du Touquet, Noirmoutier), du pain grillé et du beurre non salé bien sûr (le caviar l’est assez), des blinis (si vous y tenez, et de préférence faits maison, pas de galette mollassonne qui tienne). Pour les plus aventuriers, imitez les chefs, mais attention à vous ! Le caviar s’associe à merveille avec certains crustacés (langoustine, Saint-Jacques…) et d’autres légumes (les navets vapeur). Aux esprits libres en quête d’exotisme, halte là : pas de sucré salé avec le caviar.
Quoi qu’il en soit et quel que soit votre accompagnement, ne commettez jamais ce fashion faux pas de la gastronomie : attaquer directement le caviar avec les à-côtés disponibles qui alourdiront votre premier contact. Misère ! Nadine tambourine à la porte. La première noix de caviar se dégustera seule, toujours seule, rien que seule.
4. Et avec ça qu’est-ce qu’on boit ?
On vous le dit avec bonheur, pour une fois qu’elle n’attend pas l’heure du digestif ou de la fête : la vodka ! Glacée bien sûr. L’alcool neutre (mais attention, pas pour votre cerveau), comme la cuillère, est de mise. Un champagne brut ou un vin blanc sec feront aussi l’affaire.
5. Sinon, comment se fabrique le caviar ?
La pêche sauvage des esturgeons, en voie de disparition est totalement interdite depuis 2008, pour une durée d’au moins 35 ans. Le caviar, c’est donc 100% élevage et ceux qui vous diront le contraire peuvent aussi bien aller manger des œufs de truite.
On compte une dizaine d’espèces de poissons : le Baeri (principalement de France), l’Osciètre, le Beluga, le Kristal… Un peu comme les cépages des vins, ce sont des noms de caviar provenant d’espèces différentes.
Abattons le deuxième préjugé courant : le plus beau caviar provient de Chine. Eh oui. L’esturgeon élevé sur les rives du fleuve Amour est une espèce des plus anciennes, qui donne des œufs ambre foncé superbes. Ajoutez à cela qu’il bénéficie de conditions d’élevage en lac naturel exceptionnelles et qu’il séduit les plus grands chefs étoilés…
La manière de fabriquer le caviar n’a jamais changé : on récupère la poche d’œufs (la rogue) du poisson. On la nettoie puis on la passe au tamis pour en extraire les impuretés. Une fois les œufs égrainés, on les brasse avec plus ou moins de sel. Suivent la mise en boîte et la maturation -entre 3 et 8 mois pour que le sel se fonde avec l’œuf et que le goût arrive enfin au caviar. La qualité du caviar est donc, comme un bon vin, indissociable de la main de l’homme.
6. On a testé pour vous : L’exception de Perlita (France), Kristal de Kaviari (Chine) et le Classique de Perle noire (France)
Caviar L’exception de Perlita
Comme la plupart des caviars français, le caviar Perlita est un caviar d’Aquitaine. L’entreprise et sa ferme aquacole, située au milieu de la forêt des Landes, s’activent d’ailleurs depuis vingt-cinq ans pour représenter l’Aquitaine en France comme à l’étranger.
En 2008, le groupe devient le premier en France à maîtriser tout le cycle de production sur un même site, de la reproduction au conditionnement en passant par la naissance et l’élevage. Perlita était donc parmi les premiers à répondre au souhait de plus en plus fort de traçabilité de la part des consommateurs. On vous passe le détail du développement durable et du respect de l’environnement, mais il est également présent, entre valorisation de la source géo-thermale découverte pendant les travaux, traitement des eaux, bien-être des animaux dans de grands bassins…
Pour vous donner une idée de l’opération, 100000 alevins d’Acipenser Baeri naissent au début du printemps dans l’écloserie. Mais seulement 35000 d’entre eux seront sélectionnés, 8 ou 9 ans plus tard, et entre 7000 et 7500 femelles produiront 4 tonnes de caviar.
Le caviar L’exception est généreux : de gros grains gris foncés (entre 3,6 et 3,9 mm de diamètre), peu iodés, très crémeux, fondant et au goût beurré, gras et long en bouche.
150 € les 50 g, 300 € les 100 g
Caviar Classique de Perle noire
Perle Noire est implantée dans le Périgord Noir. Ses bassins en circuit ouverts sont alimentés par un petit ruisseau, La Beune, à l’eau pure. Les poissons y sont élevés à basse densité, et tout comme pour Perlita, avec une alimentation sans OGM. Les deux entreprises partagent leur respect de l’environnement et du bien-être de l’animal.
Le Classique de Perle noire est le plus iodé des quatre caviars que nous avons goûtés. Son goût est corsé, très salé donc, rappelant le caviar russe. C’est le caviar le plus noir des trois et qui possède les plus petits grains serrés.
A partir de 71 € les 30 g
Caviar Kristal de Kaviari
Kaviari a eu, pendant longtemps, l’exclusivité en France de l’importation du caviar iranien. Depuis que les règlementations ont évolué, l’entreprise a su se réinventer et se place en intermédiaire : Kaviari source depuis plus de quarante ans les plus beaux caviars du monde et les fait maturer dans son laboratoire parisien.
La maison travaille exclusivement avec des fermes répondant aux critères de qualité de l’eau, de bien-être des esturgeons et de nourriture certifiée sans OGM ni antibiotiques. Elle travaille donc aux côtés des éleveurs en apportant son savoir-faire appris avec les maîtres en la matière : les Iraniens.
Le Kristal est le caviar chinois. C’est aussi le caviar des chefs. Et autant vous dire qu’il y a de quoi être soufflé : un caviar compact aux gros grains ronds et croquants, peu fondants, une couleur ambre tirant sur le vert mordoré, aux saveurs subtiles. Sa finale tire sur l’amande, ou le pignon de pin, après une déclinaison de saveurs complexes.
A partir de 90 € les 30 g
E.C
En bonus : du caviar de Sologne, par Mathilde Lasserre
Au pays du gibier, Patricia Hennequart et son frère Vincent produisent un caviar 100% français servi sur de nombreuses tables étoilées. Depuis 2007, le binôme a orienté la pisciculture familiale vers l’élevage extensif d’esturgeons Baeri et Osciètre (l’une des espèces les plus demandées après le Beluga).
On l’a vu, en France, on connaît surtout le caviar d’Aquitaine. Celui qui a su valoriser l’or noir solognot, c’est Keyan Eslamdoust, fondateur de la Maison Nordique (Paris VIIIème). Grâce à lui, le caviar de Vincent et Patricia s’est retrouvé à la carte des plus grands chefs (Guy Savoy, Eric Fréchon, Christophe Hay).
Ils en apprécient le grain ferme, croquant et régulier, le goût peu iodé, la salaison équilibrée et la longueur en bouche. Ils louent également sa jolie robe dorée et lustrée. Enfin, beaucoup y décèlent d’excellents arômes de noix, de noisettes et de pignons de pin. Nombre de chefs travaillent ce caviar avec de la pomme de terre (une base assez neutre en goût) servie encore un peu chaude, permettant ainsi de relever les arômes du caviar.
Retrouvez la sélection gastronomique et les bonnes adresses en France livrées par Moichef, avec Nomadism et pour Les Hardis, dans nos newsletters 2 mercredis par mois. Inscrivez-vous à la newsletter !