Ces légumes d’hiver oubliés

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15FÉV. 2021

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Ces légumes d’hiver oubliés

15 FéVRIER . 2021

Écrit par Morgan Malka

On se demande souvent comment nos ancêtres pouvaient bien survivre avant l'arrivée des malles des Conquistadors et des caravanes d'Orient. La variété de légumes endémiques dont nous disposions dans la vieille Europe semble limitée et plutôt barbante en comparaison de l'affriolante déclinaison de goûts et de teintes chatoyantes des légumes exotiques devenus aujourd'hui communs en France. Et pourtant…

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Les nécromanciens du goût exhument depuis quelques années une tripotée de curiosités aux noms barbares que le consommateur moyen peine à accommoder dans ses marmites. Il existe une légende tenace rappelant qu’au temps des Allemands, nos prédécesseurs ne disposaient que de topinambours et de rutabagas pour se nourrir. Légende très exagérée car si le Français manquait de tout et surtout de liberté, il n’avait pas oublié l’existence des petits pois, des asperges, des courges et des haricots.

Alors pourquoi avons-nous un jour oublié l’existence de tant de légumes de la terre cultivés et appréciés de nos ancêtres ?

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La terre aux cents légumes d’hiver

Topinambour (dont le goût se rapproche de l’artichaut), cerfeuil tubéreux (entre châtaigne et carotte), carotte parisienne (petite et douce), navet boule d’or (d’un beau jaune-orangé), héliantis (proche du topinambour mais d’aspect plus lisse), crosne (petite et entortillée), capucine (plus douce que l’héliantis), salsifis (blond et beurré)…

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L’héliantis se rapproche du topinambour.

Mais aussi scorsonère (souvent appelé salsifis par erreur, ils sont cousins), panais (proche d’une carotte), rutabaga (de forme ronde au goût terreux), betteraves jaunes et blanches (plus douces que les rouges), carottes bariolées (proches de la carotte orange), chou pointu (craquant et juteux), cardon (le cousin de l’artichaut), arroche, ortie (en soupe, elle est fameuse), raifort (aux saveurs herbacées, un peu piquantes)… De quoi tenir un siège face à la Wehrmacht.

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Les scorsonères sont les cousins des salsifis.

Certains de ces légumes apparaissent sur le territoire dès l’Antiquité, d’autres seront appréciés au Moyen Âge. D’autres encore comme le cardon font office de Mohican dans des régions bien spécifiques. Alors pourquoi ont-ils disparu ? Par lassitude ? Pas vraiment.

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Des légumes classés nuisibles

Ces légumes ont un point commun, un secret d’alcôve qui fit que bien avant la guerre ils étaient déjà délaissés, boudés et parfois oubliés : tous provoquent des crises plus ou moins aiguës de météorisme (comprenez ballonnements excessifs). Un frein évident à la libido et à la natalité, une entrave aux bonnes mœurs, un carcan aux rapports sociaux. Nos ancêtres pétaient et un jour ils en eurent simplement marre.

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Le succès de la pomme de terre et sa facilité de digestion balayera très largement nos petits légumes endémiques mais carminatifs. Le succès fut total et bien agencé par Parmentier qui usa de malice pour tromper les consommateurs.

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Le temps de la réconciliation avec nos propres légumes d’hiver

Aujourd’hui par les efforts des producteurs et des chefs curieux de la haute gastronomie, les légumes d’autrefois reviennent par la petite porte, abandonnant volontiers leurs racines modestes pour voler plus haut dans les cimes de la cuisine. Les topinambours jouent volontiers des coudes avec les truffes, le cerfeuil tubéreux est souvent marié aux noix de Saint-Jacques. Les coupables sont aujourd’hui pardonnés !

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Le raifort, un grand oublié !

Le panais, par sa forme proche de la carotte ne déroute pas le consommateur et redevient un succès comme le persil-tubéreux, un autre cousin. Le Français d’aujourd’hui semble s’être accommodé des nuisances qui firent tâche jadis. A moins que la quantité de malbouffe ingérée au quotidien neutralise définitivement les effets néfastes des petits légumes ou que son ventre se soit habitué aux canonnades.

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Tous s’accommodent simplement, braisés avec un peu de graisse d’oie ou d’huile d’olive. Ajoutez-y une gousse d’ail, une larme de vin, un fond de bouillon et laissez étuver tranquillement. Sinon rôtissez les à feu vif pour accompagner vos dodues volailles. Ces légumes sont variés, succulents, locaux : ils ont tout pour nous réconcilier.

M.M

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