Flâner à Paris avec la street artist Maddía

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09AVR. 2021

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Flâner à Paris avec la street artist Maddía

09 AVRIL . 2021

Écrit par Caroline Knuckey

Photographies par Maddia, Caroline Knuckey

« Peindre un mur, c’est déborder du tableau jusqu’à la rue », clame le plasticien marocain Mohammed Kacimi. Pour Geneviève Gaillard, alias Maddía, peindre un mur c’est s’exprimer à ciel ouvert ... Ce qu’elle veut, c’est faire œuvre de la situation, celle qui l’intéresse, dans ce qu’elle appelle la plus grande galerie du monde : la rue. On vous emmène dans une flânerie au milieu du street art parisien, où les animaux ont beaucoup à dire. Il n’y a qu’à suivre les collages…

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Le bestiaire de Maddía, le collage urbain comme expression du street art

La première fois que je suis tombée nez à nez avec un des collages de Maddía, c’était au coin d’une impasse que je longe tous les jours. Je n’y avais jamais prêté attention avant… deux petites poules qui picoraient, sans demander rien à personne. Sont venus se greffer quelques jours plus tard deux poissons qui se faisaient face dans un conciliabule… tenu secret des passants.

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Des poules dans un environnement urbain ? Des poissons ? Au-delà de cette interrogation, j’ai aimé le choix du noir et blanc, le trait reconnaissable entre tous fait de petites touches noires comme s’ils étaient hérissés de poils. « Je croque les animaux sur le vif, puis je les stylise en noir et blanc, un peu comme pour une BD, c’est plus graphique, ça accroche mieux, un croquis c’est une écriture… », expliquera-t-elle. J’allais bientôt les croiser un peu partout, et toujours avec cette signature bien distincte.

Ses collages, Maddía, les réalise dans son atelier sur un papier végétal en coton des Philippines si fin qu’il épouse le mur facilement avec de la colle, voire s’y incruste. « Une fois collé, il ne bouge plus ! » Son modèle ? Le grand Ernest Pignon-Ernest pour qui « l’œuvre, c’est ce qu’elle provoque, des empreintes… », confie-t-elle.

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Dans son atelier.

 

De l’école Boulle au street art

Un petit retour en arrière s’impose ici. Geneviève Gaillard a toujours voulu dessiner. Après un bac « artistique », elle suit archi à Montpellier et s’aperçoit très vite que « les résistances de ponts, ce n’est pas fait pour elle… » Fait alors quatre ans à l’école Boulle, se lance dans l’architecture intérieure et la création de mobilier, puis se dirige vers la communication. C’est là qu’elle apprend le métier de l’impression, s’initie aux calages, découvre les beaux papiers, les points au compte-fil…

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Le séchage.

Puis, au contact du designer Olivier Saguez, Maddía fera la jonction entre la comm’, l’archi, le design et la déco, tout en dessinant. Elle part ensuite à Nantes pour les paquebots Lenglart, une mission d’architecture intérieure, en freelance cette fois.

Puis, sa vie privée la transporte en Californie. Elle y restera six ans, monte des ateliers pour enfants, crée un blog « Only in San Francisco » avec une autre expatriée, Jacqueline Souchon, alias Geneline, où toutes deux épinglent le quotidien de la ville. « On ne voit pas la même chose en se baladant, l’extérieur est perçu différemment. »  Crobars de rues, maisons victoriennes, Dolores Street… Maddía va tout explorer.

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Dolores street, San Francisco, vue par Maddía.

« Je me souviens du quartier latino, Mission District, un vrai musée à ciel ouvert, des fresques murales, des stickers collés un peu partout… Se servir de la rue comme d’un musée, ça commençait drôlement à me titiller… »

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Au hasard rues, Maddía sème son bestiaire

2007, retour à Paris, dans le XVIe arrondissement. « Qu’est-ce que c’est tranquille ici ! » se souvient-elle. Et ses petits animaux dans tout ça ? « Ça date de mon voyage en Bolivie. Je suis restée à Senda Verde, un sanctuaire pour animaux qui tente de les protéger. Là j’ai dessiné mon premier ours des Andes, et mes premiers singes. »

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Auteuil, croqué par Maddía.

Ses premiers collages ? Ils datent de 2015. « Des girafes ! » Pourquoi des girafes ? « La girafe a un regard extraordinaire, c’est comme une sentinelle… Je me suis mise à en coller partout, dès que je voyais un endroit qui me plaisait. Vous les apercevrez pont du Garigliano ou à Montmartre. »

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Les girafes de Maddía, toujours deux par deux, pont du Garigliano, à Paris.

« Mettre un animal innocent dans un coin délabré, ce n’est pas pour donner des leçons, c’est pour faire sourire… en ville, on est stressé, collé aux autres en pensant à nos problèmes, on reste dans notre tête… alors si je colle une petite fouine, un singe, un hérisson… qui vous transperce de ses yeux – je les peins toujours en couleur –, il se passe quelque chose, cela modifie la pensée, de manière imperceptible. C’est cette métamorphose qui me réjouit. » C’est exactement ce que dit Véronique Mesnager, la commissaire d’exposition spécialisée en art urbain :

« Étonner, surprendre, faire sourire tout en poésie pour nous détourner, l’espace d’un instant, de nos soucis quotidiens et nous donner parfois l’occasion de réfléchir autrement. Le collage urbain reste avant tout une fenêtre ouverte sur le monde de l’art actuel pour tout un chacun. » – Véronique Mesnager

 

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Les renards aux yeux bleus de Maddía, ici rue Théophile Gautier.

Son dessin le plus récent est un singe, comme ceux qu’elle a longtemps observés à Senda Verde. Collé rue Desaugiers, dans le XVIe, surplombant volontairement une enseigne indiquant « Défense de déposer des ordures ».

Les animaux que croque Maddía, ils sont autour de nous, mais les voit-on vraiment ? Poules, hérissons, renards, faucons pèlerins – « il y en trois près de chez moi » –, salamandres, mouettes rieuses, fouines, perruches (qui colonisent les parcs), girafes, rhinos, monos… tout un monde parallèle insoupçonné. Et Maddía de citer, pour clore le tableau, l’écrivain Francis Ponge : « La fonction de l’artiste est fort claire, il doit ouvrir un atelier, et y prendre en réparation le monde, par fragments, comme il lui vient. » Les animaux de Maddía ne réparent-ils pas un peu le monde ?

C.K


Les collages urbains de Maddía (Geneviève Gaillard) sont visibles un peu partout dans Paris et sur son compte instagram @bymaddia.

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