Auto
Buick Y-Job : les prémices du concept-car
Plongée dans le rêve américain
15 JUIN . 2021
La Buick Y-Job est demeurée dans les annales comme étant l'un des premiers concept-cars de l'histoire automobile. Elle est née des crayons aiguisés d'un visionnaire californien : Harley J. Earl, l'homme qui inventera le style automobile pour tous. Chronique d'une oubliée.
Fait étonnant, celui que l’on considère comme le père de l’automobile américaine moderne reste un inconnu de la grande histoire. Et pourtant ! Harley J. Earl a régné sur Détroit pendant trois décennies décisives.
Des carrosseries spéciales, de Hollywood à Détroit
Earl avait débuté avec son père à Hollywood où il acquiert une certaine renommée en réalisant des carrosseries spéciales pour les stars du film muet. À Détroit, chez la General Motors, il allait appliquer sa culture californienne tournée vers la recherche du bien-être et du plaisir matériel, au service de la grande industrie.
Le sur-mesure ne date pas d’hier. Dès la création de l’automobile, les acheteurs les plus fortunés pouvaient choisir une voiture construite sur-mesure selon leurs goûts personnels. Les voitures produites en série, en particulier dans le domaine des bas prix, ont été conçues pour être faciles à fabriquer plutôt que pour plaire à l’œil.
Y-Job ou le dessin du futur
Conçue sur un châssis Buick de grande série datant de 1937, la Y-Job a été pensée et réalisée en 1938 mais elle ne fut motorisée et fonctionnelle qu’à la fin de l’année 1939. Le Y de son appellation est inspiré par la codification des prototypes d’avion de ces années-là, dont on sait Earl grand amateur.
Si l’on parle d’elle comme le premier concept-car, c’est parcqu’Y-Job annonça les thèmes esthétiques ou techniques que l’on verra plus tard sur la gamme Buick.
À la fin des années 1930, la Y-Job incarnait la vision de la voiture du futur, décapotable, avec une capote et des phares escamotables à commande électrique. Les poignées de portes affleurantes, la capote cachée par un couvercle métallique ou les vitres électriques intégreront la grande série.
En réalité, les concept-cars existaient déjà, mais leur fonction n’avait rien à voir avec la vision d’Earl : exposée dans des salons automobiles, la Y-Job a pour unique objectif de déterminer la réaction du public. Dès l’origine, cette auto n’a clairement pas été conçue pour être produite en série !
Le tout premier service de style d’un constructeur automobile
À défaut d’avoir créé un courant stylistique durable, Earl fondera le premier service de style intégré à un constructeur automobile. Il prend d’abord le nom d’Art & Colour Section, placé sous la direction d’Alfred P. Sloan, puissant fédérateur de General Motors dont il prendra les commandes la même année.
Nous sommes alors en 1927, lorsque la Ford T atteignait le crépuscule de sa carrière. Le moyen de transport basique à usage universel et sa conception utilitariste appartenaient à un autre temps. Sloan avait besoin d’un créateur de talent, capable de métamorphoser l’automobile populaire en voiture de rêve bon marché. Et si le design n’est pas encore une priorité, l’époque est propice à cette mutation fondamentale.
En 1927, Sloan a besoin d’un créateur de talent, capable de métamorphoser l’automobile populaire en voiture de rêve bon marché.
Earl lance alors une stratégie globale au sein du groupe General Motors où chaque marque développe sa propre identité visuelle. « En montant tous les jours dans sa voiture, l’Américain moyen doit pouvoir imaginer qu’il part en vacances toute l’année. » Le rêve américain est né.
En 1988, pour ses cinquante ans, la Buick Y-Job ressort des méandres de la naphtaline pour promouvoir le lancement de la Buick Reatta, un cabriolet deux places censé incarner le haut de gamme des années à venir de la gamme américaine. Aujourd’hui, on peut l’admirer au GM Heritage Center, à Détroit, parmi 165 autos marquantes du groupe. Une légende.
A.M