Echappée dans les vignes au Château Lafaurie-Peyraguey

La tentation est grande, pour le Parisien en manque de nature. Un coup de TGV et quarante minutes de voiture plus tard, on pose nos valises dans l’un des plus beaux hôtels du Sud-Ouest de la France. Trois choses à savoir : le château est centenaire, posé au milieu des vignes, la table est étoilée et le vin, bien sûr, y est d’exception. Vaste programme.

Un château centenaire, aux couleurs de la Maison Lalique

Sa silhouette centenaire émerge au détour d’un tournant, au milieu des champs de vignes qui s’étendent à perte de vue. 1^er cru classé de Sauternes en 1855, ce n’est pas pour rien que Lafaurie-Peyraguey a récemment été élu « meilleur hôtel de vignoble » au monde par les Prix Villégiature Awards.

A mesure qu’on se rapproche, le porche et le mur d’enceinte en pierres, datés du XIIIe siècle, se dessinent. Après avoir passé le porche, nous voilà face au Château, dans une belle cour arborée. Sur la droite, la boutique Lalique, nichée dans le mur d’enceinte, nous rappelle que Lafaurie-Peyraguey fait désormais partie des adresses de prestige du groupe, présidé par Silvio Denz, esthète féru d’histoire. Au même titre que la Villa René Lalique, l’un des plus beaux hotels d’Alsace, le Château Lafaurie-Peyraguey a donc lui aussi eu droit à une réhabilitation méticuleuse, visant à préserver l’âme du lieu, tout en le dotant de tout le confort moderne. Cette tâche délicate a été confiée aux architectes Lady Tina Green et Pietro Mingarelli, créateurs de la collection de meubles et accessoires Lalique Maison. Ensemble, le duo a su capitaliser sur les matériaux naturels de la région, et les allier à des éléments de décor plus contemporain, dans la plus pure tradition Lalique.

Dès le vestibule, des pièces de collection de la Maison Lalique sont exposées, nous plongeant dans l’univers raffiné de la célèbre cristallerie. L’escalier qui mène aux quinze chambres, réparties sur deux étages, dessert d’abord au premier, un salon de lecture dans lequel on se verrait bien passer l’hiver. Différents ouvrages sur l’histoire du Château, du domaine viticole, de René Lalique et de ses œuvres y sont mis à disposition, pour qui souhaite s’imprégner un peu plus de l’art de vivre propre au lieu. Là encore, des pièces de la Maison Lalique sont disséminées un peu partout, se fondant parfaitement dans le décor historique du Château. Dans les chambres, les poutres apparentes donnent tout de suite le ton, tandis que les couleurs rosées et violacées font écho aux vignes environnantes. On ne manquera pas les poignées de robinet en cristal Lalique, en forme de grappes de raisin, ni les appliques feuilles de vigne ou les pièces d’orfèvrerie enclavées dans les fauteuils et canapés, qui ponctuent les chambres de touches raffinées.

Avant de passer à table, c’est parti pour un tour dans les caves du Château, véritable caverne d’Ali-Baba, rassemblant les plus grands crus comme les propriétés plus confidentielles, savamment sélectionnés par le chef sommelier Adrien Cascio et son équipe. Les deux caves historiques, l’une dédiée aux blancs et l’autres aux rouges, abritent les plus jeunes millésimes, issus des vignobles sauternais évidemment, bordelais bien sûr, mais aussi français et étrangers. Au fond, une dernière cave abrite les pépites de la maison, des millésimes les plus anciens du Sauternais aux grands crus d’exception, parmi lesquels un Yquem 1895, un Château Climens 1921 ou encore un Château Guillot de 1928. Demandez à y faire un tour avant de passer à table, vous ne serez pas déçus !

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Une table étoilée inspirée du terroir sauternais

Mais déjà sonne l’heure de dîner, et nous voici invités à nous installer confortablement dans le petit salon attenant au vestibule, un cocktail création à la main. Comme pour les mets du restaurant gastronomique, les cocktails ont été élaborés en tirant parti des multiples potentialités offertes par le vin de Sauternes. Tantôt sous forme de sirop ou d’hypocras, chaque création a été élaborée à partir du fameux nectar. La belle carte s’orne des illustrations de Nina Castagnet, bartender de talent, et dessinatrice à ses heures perdues. Invités à passer à table, nous découvrons alors la superbe verrière, création suggérée par Mario Botta, déjà à l’origine du restaurant de la Villa René Lalique en Alsace. Face aux vignes du domaine, nappes blanches, moquette anglaise, plafond orné de feuilles Champs-Elysées en cristal lustrées or, et arts de la table imaginés par le chef Jérôme Schilling en partenariat avec la Maison Lalique confèrent au restaurant une atmosphère raffinée et hors du temps.

Récompensé d’une étoile en 2019, six mois après l’ouverture du restaurant, le chef Jérôme Schilling délivre ici une partition de haute volée, largement inspirée du terroir sauternais. Menu « Terroir du Sauternais » pour les végétariens, ou « Menu Grain Noble » pour les omnivores, le même soin est accordé à chaque régime alimentaire. On commence par une mise en bouche rappelant les trois notes du Sauternes, l’acide, le suave et l’épicé, servies sur un plateau ceignant une bouteille couchée, elle-même ornée du motif « Figurine et Raisins », que René Lalique avait imaginé pour décorer l’Orient-Express. On attaque ensuite avec un crémeux de chou-fleur renversant, réalisé à l’aide d’un cercle passé à l’azote mis au contact du siphon de chou-fleur chaud, donnant au tout une texture mousseuse et aérienne. Celui-ci est agrémenté d’un tartare d’huîtres, de chou-fleur râpé cru, de caviar et d’une sauce gourmande à souhait, à base de Vodka Beluga.

On enchaîne avec les tomates en différentes textures, accompagnées d’une burrata fumée aux sarments de vignes et d’une huile à la vanille, heureuse rencontre de saveurs, ainsi que d’une mosaïque de poulpe, inspirée du Millésime 2017. Les plats font eux aussi la part belle au terroir, avec un cochon Noir de Bigorre et un cabillaud de ligne confit à l’huile de pépins de raisins, nacré à la perfection, et servi avec un insolite au Sauternes et à la fleur de sureau. On reprend son souffle avant que ne se profile le chariot à fromages, « élevés » par le maître affineur alsacien iconique Bernard Antony. Enfin, le dîner se termine par une création surprenante, associant citron en différentes textures, et caviar de la Maison Sturia, située à quelques kilomètres. Et en effet, quel produit plus ancré dans son terroir que le caviar d’Aquitaine pour magnifier la cuisine délicate de Jérôme Schilling ? Le repas s’achève tandis que dans l’obscurité s’illuminent les vignes, saisissantes de beauté.

Un domaine viticole d’exception

Après une nuit de repos bien méritée, le petit-déjeuner est servi dans l’ancien bar de l’hôtel, à l’ambiance feutrée. Derrière le précieux comptoir sont disposées les différentes carafes dessinées à partir des flacons de parfums créés par René Lalique en personne. La petite salle s’ouvre sur la terrasse de la cour carrée, à l’arrière du Château, et permet de profiter de la lumière naturelle dès le matin. Jus d’orange pressée, granola et confitures maison, fruits frais et viennoiseries permettent d’attaquer la journée du bon pied. Nous apprendrons même que les notes délicates que nous avons pu sentir en croquant dans notre pain aux raisins sont liés à la macération de ceux-ci dans le Sauternes !

Séjourner à Lafaurie-Peyraguey est aussi l’occasion d’en apprendre plus sur le domaine viticole, classé Premier Grand Cru en 1855, et dont les 18 hectares sont au cœur du terroir historique du Sauternes. Grâce à une grande diversité de sols, les vins de Lafaurie-Peyrgauey ont acquis une grande complexité aromatique, encore perfectionnée aujourd’hui par une sélection attentive des parcelles, une conversion progressive en bio, un ramassage manuel des grains très méticuleux, et une adaptation des techniques culturales. Visite du vignoble, des chais et dégustations de vin sont disponibles sur réservation. L’occasion de découvrir les deux chais historiques du Château, ainsi que la Chapelle, qui abrite une pièce en cristal créée en collaboration avec l’artiste Damien Hirst. On ne repartira pas de Lafaurie-Peyraguey sans avoir fait un tour dans la vinothèque, pour s’y procurer l’un des millésimes du Château, à moins que l’on préfère s’offrir une pièce Lalique : bougie parfumée au Sauternes, bijou, carafe, vase…  Et voilà qu’il est temps de retourner attraper le train à Bordeaux, encore transportés par la magie de ce Château, où art et vignes ne font plus qu’un.

C.d.S

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