Gastronomie
Une nuit au MOB HOUSE
Dormir aux Puces de Saint-Ouen
29 MARS . 2022
Il souffle ici un air de Brooklyn… en plein Saint-Ouen. À deux pas des incontournables Puces et à quelques encablures de son grand frère le MOB Hôtel, Cyril Aouizerate, “philosophe-hôtelier” avec la complicité de Philippe Starck, lance un OHNI - entendez “objet hôtelier non identifié” - avec MOB HOUSE, un établissement de cent chambres incarnant une vision engagée, résolument positive et joliment intellectualisée de l’hospitalité. Un lieu qui "repense l’idée du luxe à travers un rapport ironique au temps et à l’hybridation des espaces". Visite.
On vous en parlait il y a quelques années, dans l’une de nos sélections d’hôtels à Paris. Le premier concept MOB à Saint-Ouen avait déjà titillé notre curiosité. Mais alors, pourquoi ouvrir deux hôtels à 100 mètres l’un de l’autre ? “Les deux lieux se répondent.” nous explique-t-on à notre arrivée. “Le MOB Hôtel est militant. C’est là où tout a commencé ! C’est une version de l’hôtellerie plus populaire, plus démocratique, et adaptée à de courts séjours. Le MOB House est lui plus haut-de-gamme et avant tout dédié aux travailleurs nomades, pour des plus longs séjours et avec plus de services.”
“Ici, on aspire à accueillir des entrepreneurs tout azimuts avec une fibre créative” – Cyril Aouizerate
Mob House, l’eldorado des travailleurs nomades
Concept dédié aux entrepreneurs-voyageurs, wifi sur-puissant, espaces de travail partagés, sensibilité écologique, restaurant 100% bio, politique locavore… le lieu semble amonceler avec cohérence plusieurs poncifs boboïstes, à même de faire de ce lieu la crèche officielle de la Start-Up Nation… Où tout digital nomad pourrait enchaîner, sans pression aucune, meetings, calls, zooms, brainstormings, benchmarks et drinks. (Honte à moi d’avoir accumulé ces anglicismes, faut-il en plus vous avouer que j’écris ces lignes en cette journée internationale de la Francophonie ?)
Aujourd’hui armé de mes baskets fétiches colorées, jean retroussé, accessoirement travailleur nomade et de surcroît en freelance, je semble de mon côté cocher bon nombre de cases du parfait cœur de cible. Et l’impeccable ribambelle de magazines de graphisme ou de photos posés ci et là dans l’immense espace qui fait office de réception conforte mes premières impressions : me voilà a priori en terrain conquis !
MOB, un concept en soi à Saint-Ouen
S’installer à Saint-Ouen ? Par volonté d’espace, sans doute. Mais aussi pour rester en phase avec cette volonté assumée de “sortir d’un Paris-Musée caricatural.” Parce que le MOB aime ne pas faire comme les autres.
Quant aux chambres, elles dégainent fièrement un concept prometteur “3-en-1” : tout à la fois lit (évidemment), bureau et salle de réunion. On est donc bien là pour travailler. Le coup de génie de Philippe Starck, designer en chef et associé à l’ensemble des projets MOB, viendra de la modularité des surfaces, de ce système de rideaux qui peuvent cloisonner et délimiter ces espaces (tiens, ça nous rappelle une maison-galerie… ) et de l’utilisation des matières naturelles. “On a travaillé les chambres sous le prisme des matières. On retrouve du béton, beaucoup de bois qui va se patiner dans le temps, des cannages, de l’argile, de la céramique du Beaujolais… Le tout crée une sensation de bien-être et d’apaisement. C’est là que se croisent sans jamais se confondre, le travail et le repos, le professionnel et l’intime.”
Aussi, un peu partout dans l’hôtel, une divine odeur de cèdre/vétiver/vanille titille nos narines depuis le lobby, jusqu’aux couloirs, et même en chambre. On retrouve cette signature olfactive réussie dans les cosmétiques bio et naturels de la salle de bain, confectionnés dans un atelier artisanal près de Bordeaux.
MOB, une autre vision de l’hôtellerie
D’écologie, parlons-en puisqu’elle est hissée “en préoccupation première.” : “Ici, le bio n’est d’ailleurs plus une question. C’est un peu comme si l’on poussait la porte d’un Biocoop.” Mais loin de limiter cet engagement au bio, et sans jamais faire de discours moralisateur (ouf), le MOB s’engage par des actions concrètes : suppression du plastique, valorisation des surplus alimentaires, strict tri et valorisation des déchets, réduction des consommations en énergie, soutien à des associations…
L’hôtel s’amuse autant qu’il s’engage. Ici, rien n’est laissé au hasard. Le lieu multiplie, avec un délicieux sens de l’humour et de l’ironie, les clins d’oeils subtils et les références – tout œil affuté y trouvera son compte : du crayon à papier XXL made in France posé sur le bureau en chambres, à la sélection pointue et hétéroclite de livres et magazines éparpillés dans les immenses espaces communs du rez-de-chaussée, en passant par les combinaisons du staff ornées de patchs délirants jouant la carte “bobo-cosmo”…
Après l’effort, le réconfort
Pour parfaire l’expérience : une grande piscine chauffée et une remarquable salle de sport. Car même si l’on est ici pour travailler, l’adage fait foi : après l’effort, le réconfort. Le réconfort se vit d’ailleurs aussi au bar, juste bling comme on aime. Sur une bande son irréprochable qui cultive les paradoxes avec un bien délicieux snobisme, on butine un Bee Spritz, tout aussi délicieux, un cocktail mitonné à base de champagne, apérol infusé au pollen, gin London Dry miel, et jus de citron jaune.
À la table bio, dont la carte a été pensée par le Chef doublement étoilé Jérôme Banctel, on reste un peu sur notre faim ce soir-là avec un poisson un peu sur-cuit et un chou ficelé qui manque un peu de folie – plus emballés par le décor que nos assiettes. Aux beaux jours, l’immense terrasse façon guinguette-brooklynoise et l’ambition affichée de faire de l’espace un lieu de fête adossé à une programmation musicale léchée promettent de bien belles soirées…
Sauts de puces : à voir et à manger
Impossible d’être dans les parages sans s’échapper pour une déambulation aux Puces (le marché le plus proche est à 1 minute 30 de l’hôtel à pied top chrono). A ne pas manquer, entre autres : les vieux stocks militaires absolument extraordinaires, la Soucoupe du marché Dauphine ou les incroyables vélos vintage retapés, customisés, sublimés de “Velocyclettes” au marché Vernaison. Et si nos amis d’Objets d’Affection ont quitté les lieux pour Paris intra-muros, notre Hardi Bertrand Waldbillig, lui, est toujours au marché Serpette.
Une petite faim ? Au 59 de la rue des Rosiers, tout près de l’hôtel, Bonne Aventure est l’adresse des initiés. On y croise des antiquaires bien évidemment, qui ont fait de ce resto leur cantine de choix, et le week-end, familles ou amis amateurs de chine. La cheffe Alcidia Vulbeau, passée entre autres par les cuisines du restaurant Frenchie, excelle dans l’art du néobistrot et propose une carte inspirée, spontanée, axée sur des bons produits de saison.
Bref, filez à Saint-Ouen et au MOB HOUSE – même pour une nuit. Il y a de quoi faire, voir, boire, manger et… travailler. C’est un lieu protecteur où l’on se sent bien, un lieu de vie, de partage, de respiration, vert et apaisé (survolté en été?), une bulle presque utopique. Et entre nous, à 600m du périph’, c’est une prouesse, disons-le!
G.B