A Pont-Aven, le réveil du Moulin de Rosmadec

Gastronomie

20SEPT. 2022

newsletter

Gastronomie

A Pont-Aven, le réveil du Moulin de Rosmadec

20 SEPTEMBRE . 2022

Écrit par Coline de Silans

Planqué au détour d’une ruelle fleurie, au cœur de la cité impressionniste de Pont-Aven, le Moulin de Rosmadec semble tout droit d’un village d’irréductibles gaulois, avec sa toiture basse, ses épais murs de pierre et ses hortensias en fleurs. Pour autant, ici, point de sanglier à la broche, mais des créations issues du prolifique terroir breton, tout droit sorties de l’imagination débordante du chef étoilé Sébastien Martinez. Rencontre avec un chef aussi exalté qu’exaltant.

Du restaurant routier à la cuisine des étoilés

Côté face, c’est un chef à la voix posée, qui vient recueillir les retours de ses clients d’un ton presque théâtral. Côté pile, le débit se fait débit mitraillette, les pupilles s’allument, et le chef s’enflamme à mesure qu’il nous dévoile sa vision de la cuisine. La gastronomie était pourtant loin d’être une évidence pour celui qui a commencé à 15 ans, dans les cuisines du restaurant ouvrier au bas de chez ses parents, à Rennes. Ce n’est qu’après l’obtention d’un BEP cuisine que Sébastien Martinez découvre le monde de la haute gastronomie, dans les cuisines du chef Michel Hellio plus précisément, à La Voile d’Or.

Portrait de Sébastien Martinez

« À ce moment-là j’ai 17 ans, je ne connais rien à la gastronomie, je ne sais même pas ce qu’est une étoile Michelin, se remémore -t-il. Et avec M. Hellio, je vois ce que c’est. Là, c’est parti, ça y est, je veux aller à Paris, évoluer, grimper les échelons ». Le tout jeune chef fera tout de même ses armes trois ans et demi auprès de Michel Hellio avant de s’envoler pour la capitale, d’abord à la Grande Cascade, puis au Pavillon Ledoyen, où il devient chef saucier. Rapidement repéré par Christian Le Squer, il enchaîne avec Le Cinq, le restaurant gastronomique parisien du George V, dont Le Squer supervise alors les menus. 

les-hardis-moulin-rosmadec-2

Christian Le Squer et Sébastien Martinez

Son arrivée au Moulin de Rosmadec est presque le fruit d’un heureux hasard : « À ce moment-là, il n’y avait plus de chef au Moulin de Rosmadec (un restaurant sans hôtel en Bretagne). Moi j’ai 32 ans, je sens que j’ai envie d’autre chose. Alors que tout le monde pensait que j’allais dire non, je dis à Christian Le Squer que le poste m’intéresse. Il faut dire que je connaissais le sujet : je viens de Bretagne, et avec M. Le Squer on avait acquis une belle maîtrise des produits bretons !» 

Chef Sébastien Martinez ©Thomas Pellan

En juin 2020, voilà donc Sébastien Martinez à la tête des cuisines de ce qui fut le premier restaurant étoilé de Bretagne, avec un défi de taille : retrouver la grandeur perdue. A peine cinq mois plus tard, c’est chose faite avec une nouvelle étoile au compteur. Et Sébastien Martinez ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : « mon ambition ici, je l’assume : c’est de faire un 3 étoiles. Il y a un milliard de choses à améliorer mais nous avons tout pour le faire : le lieu, les produits… »

 

Créer la surprise

Le lieu, sans nul doute, est un atout. Ancienne propriété du marquis de Rosmadec au XVe siècle, la bâtisse fut d’abord une minoterie avant d’être converti en atelier d’artiste, puis en crêperie, et, enfin, en restaurant gastronomique. Située en bordure d’Aven, sa terrasse noyée dans la verdure semble tout droit sortie d’un conte de fées, doux mélange entre la maisonnette de Blanche-Neige et la chaumière d’Astérix. A l’intérieur, les poutres apparentes et la grande cheminée achèvent de donner un cachet certain à cette maison plusieurs fois centenaire. Mais le cadre ne fait pas tout, et si Sébastien Martinez a décroché l’étoile, ce n’est pas juste grâce à la magie des vieilles pierres.

L’ex enfant du pays a su s’approvisionner auprès de producteurs locaux, et mettre en pratique le savoir-faire acquis dans les maisons parisiennes, auprès de ses différents maîtres à penser. Plus que tout, le chef cultive un certain souci de la perfection, et tient à faire d’un repas au Moulin de Rosmadec une véritable expérience. « J’aime l’idée de surprendre, quitte à parfois être un peu clivant : je préfère que les gens aiment ou détestent, mais au moins ils ne sont pas indifférents. Si on cuisine pour que ce soit juste « bon », ce n’est pas très intéressant… »

Un exemple de plat pour le moins clivant ? L’association de crème de foie gras rôti et de la gelée de Schweppes. Déroutante, et pourtant, force est de constater que ça matche. Car c’est cela aussi, la signature Sébastien Martinez : des associations de saveurs et de textures que l’on n’attend pas toujours, extrêmement abouties, parfois jusqu’à être des métaphores de la philosophie de vie du chef. « Le plat dont je suis le plus fier aujourd’hui, c’est la ravigote de tête de cochon au caviar. Je suis trop content de l’avoir trouvé, avec ce côté museau vinaigrette que me faisait ma mère quand j’étais petit, accompagné d’une grosse liche de caviar. Tu manges tout ça, tu as la terre et la mer, le pauvre et le riche, ça fonctionne super bien ! » 

Langoustines du Guilvinec, mayonnaise tiède

Peu adepte des cartes à rallonge, le Breton préfère se concentrer sur quelques plats, qu’il peaufine jusqu’à obtenir entière satisfaction. « J’aime l’idée d’avoir des plats fédérateurs. Actuellement, nous n’avons que deux viandes, l’agneau et le bœuf. Le bœuf, on le fait à la royale, c’est un plat doudou. C’est très long à préparer, donc quitte à le faire, autant qu’il soit dingo. A côté de ça, on va contrebalancer le classicisme de ce plat avec des choses plus surprenantes, comme le sorbet à l’huître ».

Sorbet huitre

Hyperactif, Sébastien Martinez passe un certain nombre d’heures à remplir des cahiers de notes et de bouts d’idées, et à faire des essais les weekends, lorsque la cuisine du Moulin est enfin toute à lui. « Je rêve de travailler des vernis, ces gros coquillages très rouges à l’intérieur. Je n’en ai encore jamais fait et j’aimerais bien réussir. Le but, c’est de pousser jusqu’à ce que ce soit parfait. C’est comme le homard, j’ai fait tellement d’essais… »

Coquillages gelée de pamplemousse et pétoncles au beurre et citron confit

Alors dans sa cuisine, le chef continue à tester des recettes, à en peaufiner d’autres, pour essayer de créer la surprise, mais, aussi et surtout, de s’amuser. « Tout peut être un terrain de jeu en cuisine. Cela fait dix-huit ans que je suis dans ce métier, mais je continue à prendre du plaisir. Sinon c’est l’enfer ! ». Gageons qu’avec l’exaltation qui le caractérise, le bouillonnant chef en a encore un petit bout de temps à s’amuser.

Ajouter à mes favoris Supprimer de mes favoris
Route des vins d’Auvergne, la vigne à flanc de volcan

Route des vins d’Auvergne, la vigne à flanc de volcan

Ajouter à mes favoris Supprimer de mes favoris
Prolonger l’été par une escapade dans les Pouilles – 1/3

Prolonger l’été par une escapade dans les Pouilles – 1/3