Gastronomie
Maximin Hellio à Deauville
Une promenade entre littoral et pâturages normands
26 SEPTEMBRE . 2022
Né à Saint-Brieuc, le chef Maximin Hellio a trouvé son bonheur en Normandie, univers pas si éloigné de sa région natale. Sensibilisé depuis son plus jeune âge au travail des produits de la mer, formé par son père, chef étoilé et éternel mentor, il a posé ses valises à Deauville en 2017, pour se lancer un nouveau défi : apprendre à connaître le terroir normand et l’illustrer à sa manière. On vous raconte son expérience personnelle, et la nôtre lors d’un déjeuner à sa table.
Au milieu de la rue Gambetta, une des plus empruntées de Deauville, un restaurant à la devanture sobre et discrète intrigue, car il détonne avec les maisons voisines à colombages. À travers la baie vitrée, on voit la silhouette des cuisiniers qui s’affairent en plein service. À l’intérieur, des murs sombres ornés de jolis luminaires, contrastent avec de grandes tables en marbre rondes autour desquelles se délectent les clients. Nous prenons place, sur une banquette en velours grise-argentée, attendant avec impatience l’arrivée des réjouissances.
Le restaurant arbore fièrement la plaque rouge de l’étoile Michelin depuis 2017. Mais avant d’en arriver là, la route fut longue… et pas de tout repos.
Une enfance en bord de mer
Maximin Hellio a grandi dans les Côtes d’Armor, à Saint-Brieuc. Ses parents, restaurateurs, tenaient leur affaire en face de la maison familiale, offrant un spectacle à travers la vitre auquel le petit garçon assistait le soir avec des étoiles dans les yeux. Il se rêvait déjà à leurs côtés, apprenant le métier et participer à ce bal cérémonial qu’il admirait avec jubilation. Bien qu’autodidacte, son père s’est tourné vers la cuisine gastronomique, et a été récompensé d’une étoile rapidement, maintenue dans la maison pendant 30 ans.
Petit, Maximin se posait la question : devenir sportif ou cuisinier ? Le déclic a eu lieu à 15 ans, lors d’une saison passée aux côtés de son père en cuisine, à analyser avec admiration sa gestuelle depuis le poste de plonge. L’hésitation ne fut pas longue.
Mais il fallait trouver un apprentissage… Ce sera finalement fait aux côtés de papa durant l’été, l’activité du restaurant étant saisonnière. Il profite de l’hiver pour découvrir d’autres facettes du métier, en boulangerie, chez des traiteurs, dans d’autres restaurants… « C’est ainsi que j’ai développé ma faculté d’adaptation, essentielle en restauration ».
En fils du patron, acquérir sa propre légitimité
Après trois ans passés dans l’affaire familiale, Maximin Hellio intègre avec joie les cuisines du Pré Catelan, à l’époque doublement étoilé, aux mains de Frédéric Anton, dans lesquelles il affine son bagage technique. À l’époque, le monde des cuisines est impitoyable, et le jeune cuisinier ressent rapidement l’envie d’une autre atmosphère.
Un passage chez Marc Haeberlin en Alsace, puis Maximin se réinstalle dans sa région natale pour prendre le relais sur la nouvelle affaire de son père, tombé gravement malade. Beaucoup de travail et trois ans d’efforts plus tard, le Gault & Millau remet 3 toques au jeune chef de 28 ans, et l’élit « Grand de demain ».
Des Côtes d’Armor à la Normandie
Après une expérience dans l’Orne (61), le voilà en 2014, dans son appartement d’Honfleur, méditant sur ses futurs projets. Il se sent bien sur la Côte Fleurie, proche des plus beaux hôtels de Normandie, et songe à y ouvrir sa propre affaire. Un an et demi de recherche furent nécessaires avant de trouver au printemps 2015, cette petite maison à l’abandon, en plein cœur de Deauville. Ce « coup de foudre phénoménal » lui donne les arguments pour convaincre les banquiers à le soutenir. Les travaux à faire sont colossaux, et prennent beaucoup de retard, l’anxiété s’installe et la remise en question est permanente. Après de multiples rebondissements, le restaurant est enfin prêt à ouvrir en mai 2016.
Seulement voilà, il faut faire connaître la maison, et convaincre une clientèle qui lui est étrangère. Six mois plus tard, et contre toute attente, le Guide Michelin le récompense d’une première étoile.
La même année, le chef Maximin Hellio rencontre sa femme Sophie, sommelière, qu’il épouse quelques mois plus tard. Ils s’amusent à travailler ensemble, et prennent plaisir à développer l’affaire, en partageant vigoureusement leurs idées effrénées. Il y a huit mois, ils ont accueilli un nouvel heureux événement : la naissance de leur petite fille.
Chez Maximin et Sophie Hellio
Depuis cinq ans, l’offre en cuisine a beaucoup évolué. La création est de mise, avec un accent tout particulier sur les sauces, les produits marins et du bocage normand, autour de deux menus au choix : une balade en mer au large du Calvados ou dans les pâturages, en direct des campagnes environnantes. Ils dénichent leurs produits dans un périmètre de 150 à 200 kilomètres, pour proposer la meilleure qualité à leurs clients, tout en s’autorisant quelques entorses si les ressources ne sont pas suffisantes.
Le restaurant a même son propre potager à une vingtaine de kilomètres, où son maraîcher s’essaye à quelques tentatives inédites. La cuisine de Maximin, très identitaire, est l’expression de sa vision personnelle de la Normandie.
Pour lui apporter une dimension supplémentaire, Sophie accorde les plats avec brio, et raconte ses nouvelles trouvailles avec des yeux pétillants tout au long du repas : on se rappelle particulièrement de ce pinot noir normand – on en a enfin goûté un ! – dont les notes salines – les vignes étant situées en bord de mer à Saint-Pierre sur Dives – répondaient extraordinairement à la tomme de Normandie aux algues.
La création sans limite
« Aujourd’hui, on ne s’impose aucune limite ». Le chef n’hésite pas à bousculer les codes, avec un amuse-bouche alliant Saint-Jacques et réglisse, pour créer la surprise en début de dégustation. On se souvient de ce Saint-Pierre de petit bateau, pomme Granny Smith et fenouil, et surtout de cette sauce au kumquat qui l’accompagnait.
En ce moment, vous trouverez à la carte la caille des éleveurs de la Charentonne (61) rôtie aux figues, accompagnée d’une sauce au shiso. Le remarquable plateau de fromages est au rendez-vous toute l’année, avec une déclinaison de tommes de Normandie, de Pont l’Évêque et de chèvres aromatisés.
On a adoré aussi : la tartelette au chou-fleur gratiné, caviar et sauce aux herbes du potager. Une petite anecdote pour finir : on a noté que la saucière était laissée systématiquement sur la table pour tenter les plus gourmands… Dangereux, certes… Mais si plaisant !
V.S