Rencontre avec Agnès Webster Costa, solaire PDG de Fragonard

© Eric Garault

La joie de vivre incarnée que les aléas de l’existence bousculent parfois violemment sans l’abattre. Le décès de son mari, alors que ses trois enfants sont très jeunes, mais aussi, en 2020, la contrainte par la pandémie, de fermer pour la première fois de son histoire l’usine de Grasse ouverte par son arrière-grand-père en 1926.  « Je suis d’un naturel optimiste. Je vois le verre plein et ne poursuis qu’un but : partager à l’envi avec mes amis, mes clients et bien sûr avec mes trois enfants, 17, 15 et 13 ans, ce que m’offre généreusement l’existence. »

Du droit à l’usine

A 16 ans, Agnès est étudiante en droit à Nanterre puis en langues à Londres, entre dans une agence de publicité. Artiste dans l’âme, amoureuse de la vie parisienne et du shopping, elle n’envisage nullement de succéder à son père François Costa et de retourner à Grasse, sa vie natale.

La capitale la comble et son père a toujours répété à ses trois filles « lorsque vous serez mariées je travaillerai avec mes gendres, alors que leur maman les incitait à suivre leur chemin, à devenir indépendantes. « A 20 ans, j’ai cédé aux appels paternels, suis revenue à Grasse pour m’occuper de la marque Fragonard, nom négocié par mon arrière-grand-père Eugène Fuch auprès des descendants de Jean-Honoré Fragonard peintre grassois, fils d’un gantier parfumeur. Un choc ce retour même si je connaissais bien l’usine. Au début des années quatre-vingts c’était encore un monde d’hommes machos. J’ai convaincu ma sœur Françoise de me rejoindre puis ma sœur Anne, médecin.

Cette complicité entre notre trio a été et est toujours formidable pour développer notre Maison, pariant davantage sur les élans du cœur, les nôtres et ceux de nos clients que sur des études marketing comme chez L’Oréal. »

Parfums, musées, hôtels

Forte de ses convictions, héritant d’une usine saine et belle, Agnès va révolutionner en douceur Fragonard, en intégrant création et distribution des parfums puis plus tard de la mode dont tous les modèles exclusifs s’inspirent en partie des tissus anciens et des collections du Musée du Costume. Dotée d’un vrai sens olfactif, débordante d’idées, la jeune femme devient vite responsable de la création des parfums, et plus tard PDG, en charge du développement, fédérant et motivant les équipes. « Mon père répétait souvent, si elle pouvait Agnès disposerait d’une armée. »

Madame la PDG aime à dire que Fragonard est une petite maison forte de son histoire, son patrimoine, son savoir-faire. Une petite maison originaire d’une des plus belles régions de France que le monde entier regarde avec envie. Une petite maison ? A voir avec 25 boutiques en France, une à Milan, 3 points de vente en Corée et dans trois aéroports. Mais aussi cinq musées, dont le Musée du Parfum à Paris près de l’Opéra jouxtant la plus grande boutique de la marque, et le Musée Provençal du Costume et du Bijou à Grasse.

Et encore, parce que rien n’arrête Agnès et qu’elle adore recevoir, partager, l’ouverture à Arles, il y a deux ans, dans la rue du Palais, au-dessus de la Boutique d’Une ravissante maison d’hôtes de six chambres très personnalisées, aux accents provençaux. Agnès et ses sœurs se sont chargées de la décoration, le Studio be-poles de la conception et l’architecte Renzo Wieder de la mise en œuvre. Une première expérience qu’elle compte bien renouveler sur un terrain disposant de deux maisons que Fragonard vient d’acquérir à Grasse.

« Avec la jeune architecte d’intérieur, 28 ans, Marthe Simon, gagnante du Prix du public de la Design Parade de Toulon de 2022, nous nous interrogeons et étudions de près le dossier. Boutique-hôtel ou maisons d’hôtes ? Quoi qu’il en soit le projet va vite voir le jour non loin du Café des Musées, en face de l’usine. Un café au nouveau décor voulu par Agnès souligné de splendides panoramiques de la Maison Pierre Frey.

Lorsqu’elle se pose que fait Agnès ? Elle dévore mille et un livres… Alors forcément cela lui a donné l’idée de créer l’an dernier le Prix littéraire Fragonard de littérature étrangère féminine. La première édition a couronné l’écrivaine bulgare Théodora Dimova pour son roman « Les Dévastés »  « Une façon de révéler des voix féminines venues d’ailleurs ». En juin le nom de la seconde lauréate sortira des urnes… Toujours dans le même but : « partager nos passions, nos convictions, nos valeurs mais aussi faire rêver. »