Non classifié(e)
Le savoir-faire en héritage : la ganterie Agnelle
09 DéCEMBRE . 2023
Ils représentent l’excellence française, des savoir-faire traditionnels, que le monde nous envie et qui font de la France la référence incontournable d’une forme de luxe intemporel. Qu’ils œuvrent dans l’art de la confiserie, de la gravure, de la chapellerie, de la maroquinerie ou de la parfumerie, allons à la découverte de ces maisons historiques qui réalisent encore aujourd’hui et après bien des générations, un travail artisanal précieux. Deuxième épisode de la série après le graveur Benneton. Rencontre !
Qu’ils couvrent les avant-bras les figures mythiques du cinéma (aux premiers rangs desquelles la sublime Audrey Hepburn dans Breakfast at Tiffany’s) ou les pop stars (coucou Beyoncé), qu’ils accompagnent la conduite d’une touche d’élégance ou qu’ils protègent simplement du froid, les gants trouvent toujours l’occasion de pavaner. Si l’hiver venu, ces derniers peuplent les rayons des grands magasins, il demeure pourtant une institution qui, depuis des quatre générations (dont trois de femmes !), œuvre à créer des modèles de haute qualité dans la plus grande tradition. Retour sur l’histoire de la ganterie Agnelle !
C’est en 1937 que l’aventure commence dans les ateliers familiaux du côté de Saint-Junien, véritable berceau de la ganterie française. A la faveur de plusieurs éléments qu’offre ce territoire (terres verdoyantes de la Haute Vienne irriguées par des eaux pures favorisant les élevages de chevreaux et agneaux), de nombreuses manufactures de gants et d’artisans spécialisés vont s’installer dans cette cité dès le XIème siècle. L’histoire veut que Louis XI reçoive une paire confectionnée par les artisans de la cité et que le village de Saint-Junien connut de pleines heures de gloire sous Louis XIV. Un succès jamais démenti jusqu’à l’heure industrielle, où les 120 manufactures de gants (donnant de l’activité à plus de 2500 personnes) eurent à fermer leurs portes. A ce triste constat, s’oppose le maintien de trois ganteries, dont la maison Agnelle.
Une entreprise familiale qui voit le jour à la fin des années 30 quand Joseph Pourrichou, directeur des Papeteries du Limousin, décide de créer l’atelier de ganterie pour son fils Lucien. Mais la Seconde Guerre arrivant, Lucien est réquisitionné et c’est sa femme, Marie-Louise, qui s’occupera de développer l’activité et de bâtir la solide réputation d’excellence de la maison. Tout est passé au crible de son exigence : achat des plus beaux cuirs, recrutement des meilleurs artisans.
Dans les années 50, l’atelier du fond du jardin devient manufacture sur trois étages et répond aux pluies de commandes venues d’Outre-Atlantique. Au mi-temps des années 60 c’est Josie, la fille – aux premières loges depuis sa plus tendre enfance – qui contribuera à la modernisation de l’entreprise. Le port quotidien du gant, comme celui du chapeau, n’est plus d’usage et le gant devient alors un accessoire d’apparat. C’est donc naturellement auprès des grands noms de la mode que Josie cherchera à poursuivre l’aventure familiale. Une première collaboration est initiée dans les années 70 avec Dior, puis se succèdent rapidement celles avec YSL, Lanvin, Mugler etc. Ne négligeant pas pour autant la clientèle classique, la maison met alors également au point des collections plus simples, plus accessibles.
Enfin dans les années 80, c’est Sophie Grégoire, directrice actuelle et petite-fille de Marie-Louise, qui reprendra le flambeau. Dans la foulée, elle crée un nouvel atelier aux Philippines où des centaines de femmes, certaines directement formées dans l’atelier historique, perpétuent le savoir-faire de la maison tout en apportant une expérience de la culture locale. Après un revers de médaille et le rachat de l’entreprise par un grand groupe américain durant quelques années au tournant du nouveau millénaire, la maison revient dans le giron familial et Sophie redevient propriétaire de la marque.
Soutenue par de grandes marques et de grands noms de la mode (de JPG, à Sonia Rykiel, en passant par Dior, et Alaïa), qui poursuivent leurs commandes et prêtent des tenues pour mettre en valeur les gants créés avec Agnelle lors de l’exposition organisée dans la Galerie des Galeries, l’entreprise familiale retrouve un nouveau souffle. Depuis elle collabore aussi bien avec Jacquemus que Loewe pour perpétuer le précieux savoir-faire d’une entreprise familiale, vieille de 86 ans et qui continue de séduire une clientèle de plus en plus importante.
De Beyoncé, à Rihanna ou Lady Gaga en passant par Daniel Craig dans James Bond, des défilés Haute-Couture aux expositions publiques, les gants Agnelle – qu’ils soient en agneau plongé, en soie ou en cachemire, parfois même brodés, perlés, pailletés – s’inscrivent comme de véritables faire-valoir de l’excellence française qui s’exporte dans le monde entier. A ce titre, en 2006, Agnelle reçoit le label EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant) et depuis 2011, la ganterie est également inscrite dans l’inventaire des Métiers d’Art Rares en France par l’UNESCO.
Une manière de récompenser la quête d’authenticité à laquelle se livre quotidiennement sa propriétaire, Sophie Grégoire. Qui visiterait les ateliers de Saint-Junien pourrait ainsi se perdre dans le temps : les outils, les techniques des artisans, les matériaux, tout est resté intact, comme à l’origine.
Un savoir-faire qui se perpétue de générations en générations, impliquant une précision absolue du geste de l’artisan. Pour fabriquer un gant, il faut d’abord compter sur la maîtrise des coupeurs qui étirent la peau, tout en l’humidifiant, pour qu’elle gagne en souplesse, puis les pièces sont découpées à l’emporte-pièce avec une Main de Fer et enfin assemblées, cousues et doublées par les couturières lors du « fourrage ». Il faut imaginer qu’une couturière coud par jour entre 3 paires en couture main (et « à l’œil » pour estimer l’espace parfaitement régulier entre chaque point) et 12 paires à la machine. Des gants soigneusement conçus pour durer toute la vie et se transmettre de générations en générations, les ateliers Agnelle offrant à leur clientèle la possibilité de réparer les gants sortis de leurs ateliers…
De quoi nous donner envie de se couvrir au plus vite les mains d’un de leurs beaux et iconiques modèles …
Boutique Agnelle
19 rue Duphot. Paris 01
(+33) 06 66 56 06 41